05 La concentration de l’esprit

La volonté et l’effort

03 Les connaissances et les sens
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À L’ÉTUDIANT :

Sans volonté, qu’êtes-vous ? le jouet des circonstances et des autres hommes.

Vous avez compris la nécessité d’un but : mais comment atteindre ce but sans la force interne qui vous obligera non seulement à sentir et à penser, mais aussi à agir, et à agir dans une certaine direction ? Pour Pouvoir, il faut Vouloir.

Dans cette leçon, qui vous est tout spécialement destinée, nous vous apprenons à vouloir ; nous vous guidons dans la bonne voie. Certes, c’est vous qui devez faire l’effort qui convient ; vous seul pouvez développer la force nécessaire à l’obtention de votre But.

Mais appuyez-vous sans crainte sur nous, sur notre expérience, sur les principes du pelmanisme. Nous vous rendrons l’effort plus méthodique et plus facile.

Les exemples d’application que vous trouverez dans cette leçon sont pour la plupart empruntés au domaine des affaires. Mais comprenez bien qu’ils valent tout autant pour les autres domaines de l’activité.

Nous ne nous adressons pas à une seule catégorie de personnes, mais à toutes, à la maîtresse de maison comme au jeune homme qui prépare des examens, au médecin comme à l’avocat, au professeur comme à l’ingénieur, au comptable comme au mécanicien, au chef comme à l’employé : car tous doivent savoir augmenter leur

Volonté et apprendre à la diriger selon leurs besoins et leur idéal.

Donc, transposez à votre cas personnel les enseignements que fournissent nos exemples, car nous avons tous besoin de la Volonté, mais pas précisément toujours de la même manière.

Cette leçon vous indique le moyen d’acquérir la force de volonté qu’il vous faut.

 

LEÇON IV

I. La volonté et l’effort

1. Au seuil d’une leçon qui doit vous apprendre à vouloir, admettez-vous qu’il soit possible de contrôler, de régir notre corps, notre esprit en vue d’atteindre nos buts ?

L’expérience nous montre que certains hommes ont prétendu devenir maîtres d’eux-mêmes, et qu’ils y ont réussi dans une large mesure. Pourquoi ne pas ambitionner, à l’échelle de vos moyens, une réussite analogue ?

Trop de gens demeurent faibles, faute de croire fermement qu’ils pourraient se rendre fort. Il faut que cette misère soit épargnée aux pelmanistes.

Commencez donc par imaginer que vous possédez le contrôle de vous-même, qui vous fait peut-être défaut. Et représentez-vous exécutant les bonnes résolutions qui ne se sont pas encore traduites en actes.

On s’est tracé un but et on le poursuit, mais nombreux sont les obstacles qu’on rencontre sur le chemin de la réalisation. En dehors des circonstances d’ordre matériel, on a presque toujours à lutter contre soi-même : on doit vaincre la résistance de ses habitudes, de ses tendances, de sa paresse naturelle ; bref, on est obligé de faire effort.

On apprend par l’effort.

2. Exceptionnellement, une seule expérience peut suffire. un écrivain anglais, Mark Rutherford, raconte qu’il nageait dans la mer, lorsqu’il vit un petit bateau amarré à deux cents mètres de la côte. Il résolut aussitôt de le rejoindre et y parvint.

Mais comme il revenait à son point de départ, il fut soudain assailli par la folle conviction qu’il ne pourrait atteindre le rivage. « En réalité, dit-il, l’échec n’était pas à redouter, mais mon cœur commença à battre furieusement, ma vue se brouilla, et je me crus perdu. Je tâchai pourtant de dompter ma terreur par un effort surhumain de volonté. En un instant, mon horrible excitation tomba et je me sentis très calme. Nature, ni la passion qui gagnèrent la bataille, mais une conviction imposée par la raison. Par la suite, quand je me trouvai de nouveau à toute extrémité, la victoire me fut dix fois plus facile. »

Méditez cette dernière phrase. La force de Rutherford fut décuplée par un seul effort d’énergie.

Il en sera de même pour vous, si vous vous trouvez aussi dans une situation critique.

Or, bien peu de gens ne s’y trouvent pas un jour ou l’autre.

Ne comptez pas trop qu’à elles seules les circonstances suffiront à susciter en vous l’énergie nécessaire pour triompher de vos difficultés. Préparez-vous sans cesse à posséder, en cas de besoin, les ressorts vigoureux et souples dont dépend l’action efficace.

De même qu’on peut développer ses aptitudes, on en peut acquérir de nouvelles : on guérit de l’indolence, on se débarrasse de la paresse en apprenant à faire effort.

Il n’y a que le premier pas qui coûte, et, croyez-le bien, ce premier pas est infiniment moins pénible que l’ennui ou l’impuissance.

L’effort est nécessaire.

3. L’effort, non seulement nous permet d’accroître nos connaissances et de progresser, mais encore nous est nécessaire pour conserver les aptitudes que nous possédons déjà.

L’histoire naturelle nous offre à cet égard des exemples caractéristiques.

Lorsque le dodo, pigeon d’une espèce aujourd’hui disparue, arriva dans l’île Maurice, il y trouva une nourriture abondante et toute prête. Il n’avait aucun ennemi à combattre.

La vie était si facile, si douce que, malgré le développement de sa taille, cet oiseau devint incapable de voler et de se défendre. Aussi, lorsque l’homme débarqua dans l’île, l’espèce fut-elle vite éteinte.

De même un muscle qu’on laisse inactif s’atrophie ; celui qu’on exerce se développe.

Une vie qui n’exige que peu d’efforts amollit nos facultés, car elles ne conservent leur vigueur que par un entraînement énergique. Un homme adulte qui accepte une pension de ses parents le fait, presque toujours, à son propre détriment.

L’effort fourni pour conquérir et dominer est la source de tout progrès dans l’histoire humaine. La lutte, même pour un gain matériel, n’a rien de vil comme tant de gens voudraient nous le faire croire ; la tâche de l’homme, c’est de devenir lui-même et d’accomplir sa destinée.

C’est ainsi qu’il a développé les facultés qui le placent au sommet de la création. Ne mettez pas votre idéal dans une vie facile. ne craignez pas les difficultés.

Une période de peine peut en effet donner à notre esprit une pénétration et une élasticité qui nous serviront pendant notre vie tout entière.

C’est dans la vieillesse qu’un organisme refuse de s’adapter à des conditions nouvelles.

L’homme qui, sans l’excuse de l’âge, recule devant un effort insolite, limite son développement.

Comme on régresse dès que l’on ne progresse plus, il suffit de s’abstenir d’effort pour déchoir, puis mourir mentalement.

L’enthousiasme et l’effort.

4. On redoute d’ordinaire l’effort comme s’il était toujours une fatigue. il y a là une erreur, et un préjugé funeste.

La pratique des sports atteste que dépenser son énergie exalte l’individu au lieu de l’accabler, quand il ne s’astreint pas à faire plus que ses forces. Si l’on ne peut accomplir d’un coup certains progrès, on le réalisera sans grande difficulté par de petits efforts continus.

Il existe d’ailleurs un moyen de diminuer la fatigue de l’effort sans en diminuer l’intensité ; c’est d’imaginer par avance les résultats qu’on espère obtenir.

C’est là l’une des grandes forces, dans la vie des imaginatifs ; ils voient si vivement les avenues et les plaisirs du succès que leur travail devient une joie. Sans doute il y a le revers de la médaille : ils imaginent aussi vivement les échecs et leurs conséquences.

Or, nous avons déjà dit que le pelmanisme exige le oui à la vie, l’attitude optimiste. Aux imaginatifs, nous conseillons donc d’éliminer peu à peu la représentation par avance des échecs, dressage de soi bien plus facile qu’il ne semble. Quant aux peu imagin atifs, qu’ils s’exercent à construire l’avenir qu’ils espèrent sous forme de succès. À peine sentiront-ils la fatigue de l’effort, car elle sera masquée par l’enthousiasme, cette joie de s’éprouver plus vaillant, plus efficient grâce à un judicieux entraînement.

Sans doute est-ce le seul cas où la fierté de soi-même est féconde et fondée.

L’enthousiasme, c’est l’effort qui produit et qui paie.

I1 n’y a pas d’adjuvant plus puissant pour la volonté.

II. La force active de la volonté

Notre plan.

1. L’étudiant qui a déjà fait de la psychologie peut nous demander pourquoi nous nous occupons si tôt de la volonté et de son éducation, alors que dans la plupart des traités et des manuels cette faculté est étudiée en dernier lieu.

La question est fondée et nous allons y répondre sur-le-champ.

Ce cours est avant tout une analyse de nos facultés mentales au point de vue ‘ dynamique’. Nous nous occupons de, l’esprit bien plus en action qu’au repos.

Les facteurs psychologiques de l’action viennent ici avant la pure contemplation.

Pourquoi ?

Parce que nous abordons l’étude de la psychologie par certains problèmes pratiques qui exigent une solution urgente et qui mettent en œuvre l’ensemble de nos facultés.

L’esprit humain n’est pas non plus pour nous un sujet de pure curiosité. Les hommes, les femmes que vous êtes, ont besoin d’aide pour résoudre pratiquement leurs problèmes personnels, et, parmi eux, celui de la Volonté se pose en premier lieu.

Troisième raison : la discipline de l’attention devient plus facile si, pour commencer l’éducation de la volonté, on se donne des habitudes.

Vous voyez que le plan de ce cours est déterminé par les pressants besoins du moment, et non par des considérations théoriques.

La force active dans l’individu.

2. Il y a en nous, tant dans notre organisme que dans notre esprit ; une capacité d’action qui non seulement peut s’exercer, mais demande à s’exercer.

Elle est variable, mais cela même nous assure qu’elle doit pouvoir s’accroître. C’est le tonus physique ou mental, dont nous pouvons faire preuve.

Notre tonus physique, même à l’état de repos, implique un certain degré d’effort.

Toujours quelque partie de notre musculature est en tension, ne fût-ce que celle qui supporte le corps et le tient dans la position qu’il occupe — station droite, assise, couchée, etc. ; et le reste s’en ressent.

Y a-t-il du ressort et de l’élasticité dans votre tenue générale ? ou êtes-vous de ceux à qui des muscles flasques donnent l’aspect de gens mous et accablés ? ce n’est pas là, remarquez-le, question d’âge ni de santé, mais question d’entraînement.

Notre organisme psychique possède, lui aussi, un tonus, un niveau minimum de maintien, au-dessous duquel il ne faut pas descendre. Si l’on cultive le relâchement ou l’abattement, on commet un demi-suicide.

Tonus physique et maintien moral forment la base sur laquelle se peut construire l’activité volontaire.

La vitalité, la force nerveuse, l’harmonie des fonctions organiques ne constituent pas le vouloir, mais le préparent et lui assurent une efficacité.

C’est pourquoi la gymnastique du corps et celle de l’esprit ou pelmanisme doivent, autant que possible, s’exercer de pair.

C’est pourquoi aussi le régime alimentaire agit sur nous au-delà de la santé physique.

L’énergie nous vient des éléments — air, eau — mais aussi des transformations chimiques et biologiques conditionnées par la nutrition.

L’influence énergétique des vitamines s’est imposée récemment à l’attention des hygiénistes.

Demandez à votre médecin quel régime vous prescrit votre tempérament ; le pelmanisme vous permettra de trouver quel régime requiert votre caractère.

Parmi les adultes comme parmi les enfants, beaucoup passent pour apathiques et abouliques, dont la paresse tient à des défauts d’hygiène, d’alimentation ou de sécrétion glandulaire.

La volonté et le milieu.

3. La formation de notre volonté ne dépend pas seulement de l’état de notre corps. elle trouve dans le milieu social des facteurs favorables ou défavorables à son développement.

Tous, nous subissons à quelque degré l’influence du milieu et tendons à ressembler à ceux que nous fréquentons.

D’autre part, les timides et les indécis ont une propension à s’isoler, à se réfugier dans la solitude pour éviter des blessures d’amour-propre et de vanité.

Défendez-vous contre ces tendances collectives et individuelles.

Évitez de fréquenter des milieux neutres ou nuls, des individus veules ; rien de meilleur, pour développer votre propre volonté, que de fréquenter des milieux actifs, que de vous lier avec des individus énergiques.

Au début, vous aurez sans doute une impression d’effarement, une sensation d’infériorité. Mais cela passera vite, car vous serez entraîné par le mouvement des autres et peu à peu vous vous mettrez au pas.

Vouloir vous paraîtra facile, puisque vouloir est un effort facile pour ceux que vous fréquentez ; agir tout de suite, et avec précision, vous semblera naturel, car ce sera la manière d’être générale du milieu que vous avez choisi.

Le même conseil vaut pour le choix de vos lectures ; évitez les livres déprimants, pessimistes, lisez des romans d’aventures, des biographies de grands hommes, afin de vous plonger dans une atmosphère de volonté et d’action.

Ce milieu idéal vous habituera à considérer la vie comme une bataille pacifique et joyeuse.

Vous évoquerez en vous-même des images d’action, des pensées d’énergie, des possibilités de décision et de succès.

En vous comparant aux héros imaginaires ou réels de ces livres, vous constaterez que vous possédez plusieurs de leurs qualités et vous entraînerez votre volonté à la suite de la leur, comme dans une course sportive.

Vous apprendrez ainsi à réagir au milieu.

Trop souvent on en accepte les idées et les sentiments sans les discuter.

Un bon pelmaniste doit, non pas s’opposer à toutes les idées courantes, mais les étudier de sang-froid et se former sur le plus de sujets possible des idées personnelles.

Il ne doit pas laisser dire ni laisser passer ; il doit prendre position et, sans rechercher, par système, le paradoxe ou la critique, exposer ses idées quand l’occasion lui en est donnée, avec preuves à l’appui, sans jamais être agressif.

Intervenir dans une discussion publique, proposer des modifications à un plan d’action, s’offrir à une réfutation, bref s’affirmer est un exercice de la volonté absolument nécessaire à qui veut réussir dans la vie.

Il faut respecter la pensée d’autrui, mais non pas cacher ni dérober la sienne : il faut montrer qu’on existe, qu’on sait parler et agir.

Qu’est-ce que la volonté ?

Par volonté nous entendons l’aptitude à faire des actes volontaires, c’est-à-dire des actions décidées et accomplies par nous-mêmes.

Ce n’est pas par volonté que l’on digère, car cette fonction s’exécute inconsciemment ; ni que l’on obéit, puisqu’alors nous ne nous conformons pas à notre décision propre.

Nous avons entendu bien des gens dire assez sottement : ‘ je veux acquérir une forte volonté.’

Ils considèrent cette faculté comme une sorte de biceps mental ou moral qui peut être flasque ou vigoureux.

Pour eux, la volonté est quelque chose d’entièrement distinct des autres fonctions de l’esprit, exactement comme le biceps est séparé du ‘ vaste externe’ et peut-être développé dans un isolement relatif.

C’est une grossière erreur.

Notre première leçon vous a déjà présenté quelques indications sur la capacité de vouloir. Elle se distingue, disions-nous, du Sentiment et de l’Intelligence, mais elle suppose l’un et l’autre.

Ces trois fonctions sont intimement liées, aucune ne peut travailler isolément, et même si l’une d’elles est relativement plus forte que les autres, elle ne peut agir en toute indépendance, ni se développer sans servir ou sans compromettre les intérêts communs.

Mais la fausse conception de la volonté est si enracinée, qu’il importe d’insister ici, une fois de plus, sur l’unité de l’esprit.

Analyse de la volonté.

4. Voyons, par un cas très simple : la difficulté de se lever quand il le faut, en quoi consiste la volonté.

Demain matin, je dois me rendre à la campagne et je monte soigneusement la sonnerie de mon réveil. Elle ne manque pas de se déclencher à l’heure voulue : dring ! dring !

Je cherche aussitôt à étouffer sa voix perçante, tout en grondant contre l’inventeur et son génie inopportun. Je me laisse retomber sur l’oreiller, cherchant quelque excuse pour rester encore un peu au lit.

Je trouve aisément plusieurs prétextes. Puis je commence à douter de leur valeur.

Par exemple, l’idée, tout à l’heure géniale, de prendre un autre train, me paraît maintenant plutôt piètre, car ce train ne s’arrête pas à X…

Je passe en revue mes autres excuses, mais cet examen ne les rend pas meilleures :

Elles ne valent rien. Il faut me lever immédiatement. je saute à bas du lit.

Qu’est-ce qui m’a poussé à chercher tous ces faux-fuyants, à élaborer tous ces raisonnements à côté ? Une volonté faible.

Mais à quoi tient cette faiblesse ? suis-je en mauvaise santé ?

Ou bien le sentiment, ce moteur de mes facultés, est-il paralysé ?

Peut-être aurai-je contracté une mauvaise habitude au lieu d’une bonne ?

Mon désir de jouir plus longtemps de l’agréable sensation de chaleur et de repos que l’on éprouve en s’éveillant l’a emporté d’abord sur le désir d’aller à mon rendez-vous, d’exercer ma profession, de remplir mon devoir.

Puis la raison a repris ses droits et l’idée de se lever, élément intellectuel, a fini par dominer le désir de rester au lit, fait de sentiment ; mais cette idée a réagi à son tour sur un autre de mes désirs, celui de faire mon devoir ; ainsi s’est établi l’accord définitif de la pensée et du sentiment, accord qui a déterminé l’acte de se lever.

Formule de la volonté.

5. Mais, dans ce cas, il y a eu aussi une lutte : le motif le plus fort a triomphé.

L’idéal serait évidemment que nos mobiles et nos motifs prépondérants fussent en même temps les meilleurs, qu’il existât une concordance entre nos désirs et celles de nos idées que nous estimons dignes d’approbation.

Plus l’accord est complet entre la pensée et le sentiment, plus la volonté est forte.

Reste la question de la qualité de la volonté.

Le sentiment et la pensée de bonne qualité créent la volonté de bonne qualité.

Pour vous rappeler ceci, résumez-le, si vous voulez, dans la formule suivante, qui n’a rien d’une formule mathématique :

Bon sentiment + bonne pensée = bonne volonté, ou B S + B P = B V.

Est-il besoin de vous faire remarquer qu’il ne faut pas limiter ici le sens du mot ‘ bon’ à  l’ordre moral ?

Nous entendons par là « satisfaisant», conforme à l’intérêt de l’individu.

La formule signifie, à parler rigoureusement, qu’un sentiment puissant auquel s’ajoute une pensée précise, aboutit à un acte volontaire vraiment fort.

Ainsi, la pensée seule, même lucide, est impuissante ; le sentiment seul, même puissant, est aveugle.

La volonté est une combinaison harmonieuse et équilibrée du sentiment de bonne qualité et de la Pensée de bonne qualité.

En cas de déséquilibre de ces deux forces, la volonté peut être annihilée.

La tyrannie de la pensée.

6. La volonté peut être annihilée soit par excès : de sentiment, soit par excès de réflexion.

Voici un homme très instruit et fort capable, qui passe sa vie à acquérir des idées et à méditer. Mais il est si riche de pensées que l’action lui est presque impossible.

Lui faites-vous quelque proposition ? il aperçoit cinq ou six solutions où la plupart des hommes n’en verraient que deux.

Ne lui demandez donc pas de prendre une décision immédiate. Il lui faut du temps pour réfléchir !

Une semaine après, il hésite encore. Deux motifs, dit-il, l’un pour et l’autre contre, sont de valeur si égale qu’il est difficile de se décider.

Il traite ses propres affaires de la même manière. Il est trop profond penseur pour la vie de tous les jours.

Chez lui la pensée prend le dessus au détriment du sentiment et de la volonté.

Il ressemble au jeune ours de la fable, qui philosophait beaucoup trop sur la manière de marcher. «dois-je, disait-il, mouvoir ma patte droite la première, ou ma gauche, ou mes deux pattes de devant, ou les deux de derrière, ou toutes les quatre à la fois, et comment ?» la vieille mère ourse l’arrêta par un ordre péremptoire : “cesse de penser, et marche !”

La tyrannie du sentiment.

7. Voici maintenant un jeune homme pour qui les questions de sentiment priment tout.

Il rêve à des amours idéales, au lieu de cultiver son esprit en vue de sa carrière, au lieu de discipliner sa vie en vue d’un rendement normal de l’activité.

Éprouve-t-il la moindre déception, il tombe dans l’accablement.

Une inoffensive taquinerie est ressentie par lui comme une cuisante blessure. En amitié en amour il est pointilleux, susceptible, irritable.

Ses fantaisies sont sa loi. Si, par exemple, il s’engoue de la t. s. f., aussi longtemps que durera cette lubie, il y consacrera ses heures, sa pensée, son argent.

Diagnostic : volonté faible due à un excès du sentiment et à une subordination de l’intelligence.

La faiblesse de la volonté se manifeste le plus souvent sous la forme d’une trop grande indulgence envers nous-mêmes.

L’impossibilité de renoncer au tabac qui nous est nuisible, aux plats savoureux, mais défendus par notre médecin, aux boissons pernicieuses dont nous savons pourtant tout le danger, la passion du joueur pour les émotions fortes, le goût excessif du plaisir ou, ce qui est aussi néfaste, le refus obstiné de se divertir qu’on rencontre chez l’homme cupide, toujours pressé de gagner de l’argent — autant d’exemples qui témoignent de ce même conflit qui entraîne la subordination de la pensée au sentiment.

Le besoin d’un juste équilibre.

8. Ainsi, toutes les faiblesses de la volonté naissent d’une application erronée des sentiments ou des pensées.

Les conflits que nous avons signalés résultent de ce qu’on a manqué d’un juste équilibre.

L’esprit a été mal formé et il ne fonctionne pas systématiquement.

On a laissé le sentiment ou la pensée se développer au-delà de leurs justes limites ; ou bien ils ont été réprimés et on ne leur a pas accordé la place qui leur revenait dans le plan de la vie intellectuelle.

Les désordres de la volonté, comme ceux des autres fonctions, sont dus à un excès ou à un défaut de cette faculté 1.

Pour diagnostiquer sûrement les défaillances de votre volonté, il faut examiner la qualité de vos émotions et la nature de vos pensées.

Cet examen vous permettra de découvrir rapidement la cause du mal.

1. Les diverses défaillances de la volonté sont communément classées en trois catégories :
(a) l’hyperboulie : tendance exagérée à l’action, due à des sentiments non contrôlés ;
(b) la dysboulie  : puissance de la volonté presque inexistante ;
© l’aboulie : incapacité d’agir, parce que la décision est remise, en raison d’une trop longue considération du problème.

III. Comment former la volonté

Limiter ses efforts.

1. L’examen de conscience établi par l’étudiant conformément aux indications de la leçon 2 lui a fait discerner au fond de lui-même des forces d’inertie ou d’opposition et des forces positives ; pour former et développer la volonté, il doit éliminer les premières et accroître les secondes.

Les forces d’arrêt ( inhibitions) sont constituées par de mauvaises habitudes nommées timidité, indécision, défiance de soi.

On ne doit pas les attaquer de front, mais on en diminue l’intensité en les soumettant à l’analyse afin d’en déterminer les origines et les nuances, qui varient avec chaque individu.

Bien se connaître permet de ne pas exiger d’abord de la volonté plus qu’elle ne pourrait donner. Nous recommandons expressément à l’Étudiant de limiter les tâches qu’il s’impose de manière à entraîner sa volonté sans la surmener ; il faut aller aussi loin qu’on peut, ne pas lâcher en route et proportionner l’effort à ses capacités.

Comme celles-ci augmentent par la gymnastique, on en arrive peu à peu à vouloir — et à exécuter — des actes dont l’idée même faisait d’abord frémir.

Maîtrise et assouplissement du corps.

2. La débilité physique est un obstacle fréquent à l’action volontaire. par débilité nous n’entendons pas tant la faiblesse musculaire que la faiblesse nerveuse.

Un ascète décharné peut exercer une volonté insurmontable, mais il domine ses nerfs.

L’alcoolique, le débauché, fussent-ils taillés en hercules, sont singulièrement vulnérables.

Au contraire, un corps harmonieusement assoupli met à la disposition de l’esprit le maximum de ressources physiques, et même un appoint précieux d’énergie morale.

Rien n’engage plus à la fermeté que de sentir qu’on peut compter sur soi-même, aussi bien contre l’hostilité des circonstances que devant l’hostilité des hommes.

Une bonne santé donne de la « résistance » et permet un travail intense, prolongé.

L’hygiène corporelle que nous recommandons détermine une activité musculaire plus grande.

On sait que les exercices de gymnastique doivent être faits, non pas avec veulerie, mais avec énergie et précision. C’est par là qu’ils réagissent directement sur la volonté.

Prenez l’habitude des gestes énergiques, donnez la main franchement, saisissez les objets avec netteté, sans hésitations oiseuses. Peu à peu cette prestesse musculaire influera sur le rythme de vos pensées, de vos sentiments, de votre volonté.

Ce n’est pas sans raison qu’on juge volontiers de l’énergie d’un homme d’après sa poignée de main ; celle-ci est un symptôme d’une habitude ordinaire de décision et d’activité.

Présentez-vous franchement, asseyez-vous sans petites hésitations ridicules, dites tout de suite ce que vous avez à dire.

Ce sont là des réflexes d’une acquisition facile qui vous habitueront à vouloir presque automatiquement.

La maîtrise du corps s’exprime en grande partie par la maîtrise du mouvement. Or, tout mouvement volontaire (comme, l’a si bien montré W. James) dépend des sensations musculaires dont on dispose, qu’on sait évoquer.

Donc, pour avoir des mouvements précis, nets et rapides, pour pouvoir les coordonner selon son désir, il faut arriver à connaître ses sensations.

Appliquez cette idée aux exercices physiques contenus dans nos leçons, vous y trouverez de nombreuses possibilités pour l’éducation du sens musculaire.

Maîtrise et assouplissement de l’esprit.

3. Mais la véritable maîtrise de soi est celle de l’esprit : elle suppose de bonnes dispositions du sentiment et de la pensée et que nous savons prendre la direction de notre vie.

Le sentiment, seul, exclut l’acte volontaire, soit en faisant entièrement défaut — l’apathie entraîne l’aboulie — soit en poussant l’individu dans un sens différent de celui qui convient.

Les passions tiraillent et harassent ceux qui sont leur proie ; elles les arrachent à ce qui devrait faire l’intérêt de leur vie.

Que l’on pense aux ravages que fait dans un caractère l’excitation au jeu ou à la boisson. Heureux ceux qui savent mettre d’accord leur cœur et leur raison.

La bataille est avant tout mentale ; le corps finira par se soumettre au vainqueur.

Que celui qui est victime de l’alcoolisme ou du jeu possède un désir de se corriger plus fort que le désir de boire ou de jouer, et il triomphera, non pas tout de suite, mais en temps voulu.

Pour éveiller ou stimuler ce désir de réforme, la pensée doit intervenir activement.

Cet homme veut avoir plus de respect de soi et posséder les avantages que procure le respect des autres. Bientôt, ses idées s’élaborent en un idéal esthétique, qui exige la conformité entre le désir et l’action.

Les conditions du milieu.

4. La volonté se trouve facilitée ou compromise par le milieu, tant physique que social. La simplicité frugale, et le confort amollissant agissent à l’inverse l’un de l’autre.

Il y a des musiques déprimantes, d’autres exaltantes. S’agit-il de suralimenter un convalescent, il est à propos de solliciter sa faim par une cuisine aux fumets prometteurs.

De même, une ambiance triste abat nos énergies, tandis qu’au contact de l’enthousiasme nous nous sentons élevé au-dessus de nous-mêmes. Dans un milieu spirituel, des balourds même ont quelque esprit, car une certaine contagion colporte les pensées, comme elle excite les sentiments.

La vertu de l’habitude.

5. Pour devenir pleinement maître à la fois de son corps et de son esprit, il faut acquérir de bonnes habitudes.

Ce dernier mot désigne une activité très importante pour la formation de la volonté.

Une forte volonté est constituée par un groupe de bonnes habitudes fortement ancrées.

Pour l’homme sage, qui absorbe modérément de l’alcool, ou pas du tout, boire une demi-bouteille d’eau-de-vie en une fois n’est pas une tentation, c’est de la pure folie ; mais rien ne saurait tenter davantage un ivrogne, parce qu’il a contracté l’habitude de faire d’abondantes libations.

Si l’on veut se guérir d’une mauvaise habitude, il faut commencer par en contracter une meilleure, car la vie humaine n’est faite que d’habitudes, bonnes, mauvaises ou indifférentes.

L’habitude et la volonté doivent donc travailler ensemble.

Pour varier les exemples, considérons la passion du fumeur.

Des médecins nous ont affirmé avoir guéri des fumeurs de leur déplorable passion en les obligeant à faire leurs propres cigarettes, ou en leur faisant garder à la bouche une cigarette non allumée, tandis qu’ils s’occupaient à autre chose.

Au bout de quelque temps, l’inclination s’affaiblit ; parfois même, la cigarette finit par inspirer du dégoût.

Certains fumeurs, pendant la période de transition de l’habitude de fumer à celle de ne plus fumer, mangent du chocolat ou sucent des bonbons, des pastilles, etc…

Supposons que vous soyez grand fumeur, et que votre médecin, après avoir ausculté vos poumons ou examiné votre vue, déclare : “Il faut absolument renoncer au tabac.”

Par volonté, vous devrez fumer une cigarette de moins chaque jour, pour arriver ainsi à zéro. Ce procédé convient à plus de gens que la cessation immédiate de fumer.

C’est la suppression progressive d’une habitude mauvaise.

Mais on peut également remplacer une habitude par une autre — une mauvaise habitude par une bonne.

C’est le vieux principe de vaincre le mal par le bien.

Voici maintenant quelques moyens pratiques pour acquérir progressivement de bonnes habitudes.

Emploi du temps et dressage de la volonté.

6. Nous avons déjà dit dans la leçon 1 qu’il faut organiser son temps.

Au point de vue psychologique, c’est donner des béquilles à une volonté encore trop faible pour marcher seule.

Répartir son temps selon un certain ordre oblige l’étudiant à ne faire qu’une chose à la fois, donc à ne pas éparpiller sa volonté, à la concentrer, au contraire, tout entière sur un objet déterminé.

Au début, nous n’avons considéré l’emploi du temps que d’un point de vue purement matériel, pour la commodité.

Ici nous vous prions de le considérer, en outre, comme un soutien de la volonté.

Il faut, en changeant d’occupation, vouloir ce changement, non pas s’y soumettre d’une manière automatique ; il faut vouloir travailler tant de minutes à tel sujet, et tant de minutes à tel autre.

Un bon pelmaniste sait tirer parti de toutes les circonstances pour accroître son pouvoir de volonté par la formation d’habitudes utiles.

Du fait même que l’on emploie son temps de telle manière et non pas d’une autre, selon un système de répartition adopté de son plein gré, il s’ensuit que la durée des hésitations et des indécisions se trouve limitée.

On veille à ne pas laisser s’établir entre une série d’actes et la suivante une période inactive de durée trop longue.

On arrive alors à appliquer la volonté juste quand, il faut, à ce qu’il faut, même si l’acte est désagréable, pénible, détesté.

Bien mieux, nous conseillons à l’étudiant de classer, dans chaque section de son emploi du temps, les actes d’après la quantité de plaisir qu’ils lui représentent et de commencer, autant que possible, par ceux qui lui plaisent le moins.

L’avantage de ce procédé est double : matériellement, le travail pénible étant fait le premier, il ne reste, à mesure qu’on se fatigue, que le travail plus facile ; psychologiquement, on a augmenté sa volonté parce qu’on a fait un ou plusieurs efforts suivis d’une victoire sur soi, sur ses dégoûts et sa paresse.

On établit ainsi une habitude contraire à la précédente : on a remplacé l’inertie par l’activité.

La résistance aux mauvaises habitudes.

7. Le plus pénible, mais le plus nécessaire, c’est de résister aux mauvaises habitudes par lesquelles on s’est laissé dominer.

Au fumeur invétéré dont nous avons parlé, conseillons l’habitude de sucer des bonbons ; ses lèvres et son palais ne resteront pas inactifs.

On leur a donné quelque chose à faire, parce qu’on ne pourrait pas les astreindre brusquement à l’immobilité.

En fumant, les glandes ont pris l’habitude de saliver et cette activité inconsciente ne peut être, elle non plus, supprimée d’un coup.

Mais quand le besoin physique est trompé par l’ingéniosité de l’esprit, il se crée une habitude de résister au besoin de fumer, et celle-ci tend à devenir à son tour automatique. Le ci-devant fumeur regarde désormais une boîte de cigarettes ou un paquet de tabac avec le sourire du souvenir ».

Cette observation vaut pour toutes les mauvaises habitudes.

Au début, il faut lutter pour dire « non » ; puis cette lutte devient inutile.

C’est ainsi que l’habitude économise l’effort.

Grâce à elle nous arrivons à faire tout ce que nous nous proposions d’accomplir ; et nous y réussissons mieux que si nous avions essayé d’en venir à bout par la seule volonté.

L’habitude diminue notre dépense d’énergie.

La formation des bonnes habitudes.

8. Il n’y a rien à faire, remarquez-le, pour prendre de mauvaises habitudes : la négligence, l’obéissance aveugle à nos instincts y pourvoient, ainsi que le mauvais exemple. Mais aucune habitude salutaire ne se contracte d’elle-même.

C’est pourquoi tant de gens nous objectent ce raisonnement spécieux : la volonté supposant un dressage des habitudes, il faudrait déjà posséder de la volonté pour en acquérir.

Il y a là, semble-t-il, ce que les logiciens appellent un « cercle vicieux ».

Sachons bien que la difficulté est plus apparente que réelle. En effet, la volonté se constitue peu à peu, quand on organise de mieux en mieux son activité.

Ce n’est pas l’œuvre d’un jour, et le plus sûr moyen d’échouer serait de prétendre obtenir d’un coup de très grosses réformes.

Vous progresserez vite si vous procédez lentement ; si, chaque semaine, vous introduisez dans votre vie quelque amélioration.

Un seul progrès à la fois, mais définitif. Ce sera simple, facile, et d’une importance que vous n’imaginez pas. on n’est pas son maître autrement.

Comme l’effort s’entraîne, la volonté s’apprend.

L’émulation avec autrui.

9. Après vous être étudié avec soin, comparez-vous aux autres.

Pour former votre volonté, examinez celle d’autrui et dites-vous que si votre voisin a accompli tel ou tel acte qui vous paraît difficile ou admirable, il n’y a rien qui s’oppose à ce que vous réussissiez comme lui.

L’ émulation sera pour le dressage de votre volonté un excellent adjuvant ; elle vous permettra d’évaluer vos forces selon une mesure extérieure à vous, de préciser vos points d’arrêt, et de pousser vos efforts dans un même sens afin d’égaler ceux d’entre vos collègues que vous regardiez d’abord comme supérieurs.

Mais prenez garde de ne pas confondre l’émulation avec la jalousie ou l’envie, qui sont des tendances mauvaises parce qu’elles sont négatives.

Souvent même elles comportent un élément de méchanceté qui est absolument contraire aux principes du Pelmanisme et au progrès individuel.

Si un collègue ou un voisin a mieux fait que vous, mieux réussi dans son commerce ou sa carrière, vous ne devez pas l’envier et rester les bras croisés ; vous devez vous réjouir de son succès parce qu’il vous donne une leçon dont il ne tient qu’à vous de profiter.

Étudiez ses manières d’être, la qualité de son intelligence et de sa volonté, le degré de son instruction technique et générale. Puis, mettez-vous au travail et tâchez de l’égaler.

C’est malheureusement un défaut trop répandu que la jalousie ou l’envie.

Celui qui a un but, qui est vraiment énergique et plein de « bonne volonté », n’éprouve pas ces sentiments, car il a conscience de sa force et ne redoute pas celle d’autrui.

L’émulation avec soi-même.

10. À l’émulation vis-à-vis d’autrui, on fera bien d’ajouter l’émulation vis-à-vis de soi-même.

Son emploi est plus délicat et plus difficile, parce que l’on a toujours tendance, dans ce cas, à être indulgent.

Il convient d’appliquer ici le procédé du « spectateur impartial ».

Il consiste à se dédoubler, c’est-à-dire à imaginer un autre « moi », qui observe et juge le premier fraternellement, mais en toute équité.

À cet autre « moi » on expose ses hésitations, ses doutes, ses désirs, on lui soumet le bilan de ses efforts et de ses actions et on accepte ses jugements.

Psychologiquement, ce procédé revient à s’ériger soi-même en tribunal à deux personnes.

Entendons-nous bien. Le repli sur nous-mêmes s’impose pour que nous réfléchissions ; il devient désastreux s’il se prolonge et produit un dédoublement fatal à la volonté.

Ce n’est pas en se regardant vivre ou agir que l’on réalise ses desseins.

La réflexion ne doit devenir ni dilettantisme, ni aboulie.

La volonté pure.

11. De la volonté pratique, qui s’applique dans une direction et à un but déterminé, on peut distinguer la volonté pure, qui n’apparaît souvent que comme un exercice sportif.

Le fakir élève son bras au-dessus de sa tête et fait le vœu de ne plus jamais l’abaisser ; ou bien il ferme la main et jure de ne plus jamais l’ouvrir ; il y réussit.

De tels actes semblent aux européens inutiles et sots ; ils sont néanmoins une merveilleuse manifestation de la force de volonté, déployée pour exprimer une croyance religieuse.

La volonté pure peut d’ailleurs accomplir de grandes choses ; quelques psychologues ont foi dans ce dressage.

Voici des exercices de volonté pure qui ne mettent en jeu directement ni pensées, ni sentiments, mais qui sont précieux en ce qu’ils contribuent à développer la maîtrise de soi et à calmer un tempérament nerveux.

On se procure une boîte et cent morceaux de carton.

Chaque jour, et pendant dix jours, on les sort de la boîte, puis on les replace, calmement, délibérément, sans hâte aucune, et un à un.

Voici les observations de quelqu’un qui s’est livré à cet exercice :

Travail fort désagréable, fatigant et déprimant. Je le déteste.

Il me donne le noir. Il m’est pénible parce qu’il va à l’encontre d’une de mes tendances naturelles : l’impétuosité. je n’éprouve aucun plaisir à laisser tomber lentement et un à un les petits morceaux de papier.

Il faut que je me surveille pour ne pas avoir de mouvement d’impatience et ne pas me presser. Je me suis fatigué et j’ai pris mal à la tête.

Je me suis aperçu que ma raison s’égarait quelque peu. Un moment j’ai pris courage en me disant : bientôt je le ferai avec plaisir.

Je dois reconnaître que je me sens au bout de quelques jours ragaillardi mentalement, sinon physiquement. »

Une telle discipline, habituellement méprisée, serait trop ardue et trop monotone pour la majorité des gens ; quelques-uns pourtant s’en trouveront bien, car pour certains ce peut être le moyen de contracter une bonne habitude, utile dans d’autres directions, par exemple pour établir les fiches d’une bibliothèque et les classer méthodiquement.

C’est de même que des mouvements de gymnastique fortifiant les muscles donnent la force qui rend capable de porter, de se défendre, etc.

Il n’est pas mauvais d’avoir parfois recours, pour exercer la volonté pure, à une discipline aussi sévère.

Elle est d’autant plus nécessaire que la volonté pratique est plus faible.

Elle vous rendra de grands services si vous êtes un paresseux invétéré, à qui le moindre effort répugne.

La discipline de la volonté et la maîtrise de soi.

12. Le développement de la volonté pure ne saurait cependant nous intéresser sous l’aspect mystique qu’il a revêtu à travers l’histoire religieuse.

On le désigne, sous cette forme, d’un nom grec, l’ascétisme, qui veut dire « exercice, entraînement ».

Autant cet entraînement est précieux quand il vise à créer dans l’individu la domination de ses sens et la purification de son cœur, autant il devient inhumain lorsqu’il semble chercher la mortification comme un moyen d’accabler la personnalité, la douleur comme expiation du vouloir-vivre.

Certains ascètes infligent des souffrances cruelles et variées à leur corps et réfrènent durement les plus chères aspirations de leur cœur.

Ils vont à l’encontre de leurs propres désirs de cent manières différentes dans le but d’acquérir une complète maîtrise d’eux-mêmes.

Mais nous ne souhaitons pas, nous pelmanistes, que les hommes se mortifient systématiquement.

Nous cherchons surtout à augmenter l’intelligence, la force de caractère, la puissance de chacun, de façon à promouvoir sa réussite dans la vie.

Cependant, nous sommes pleinement d’accord avec la morale religieuse en proclamant qu’aucun progrès n’est possible sans une règle, donc sans un frein imposé à nos penchants naturels.

Il faut être maître de soi dans une large mesure pour devenir un grand homme d’action comme pour devenir un saint, un apôtre.

Il faut même être maître de soi rien que pour faire de son mieux l’humble travail quotidien.

On n’est pas maître de soi si l’on ne sait renoncer à bien des choses, ne fût-ce que pour exercer sa volonté.

Nous approuvons en cela frédéric nietzsche, bien qu’il soit un âpre ennemi des « voudrais substituer ma propre intention : l’exaltation de la personnalité par une gymnastique de la volonté ; par une période occasionnelle d’abstinence et de jeûne en tout genre, même en matière intellectuelle.

Même maintenant, les gens ont à peine le courage de mettre en lumière le pouvoir naturel et la nécessité de l’ascétisme dans le but d’éduquer la volonté. »

Si des représentants de deux types de pensée aussi différents trouvent de la valeur à une culture formelle de la volonté, le simple bon sens indique qu’il y a là quelque chose qui vaut la peine d’arrêter l’attention.

Qu’est-ce donc qui peut servir dans cette éducation formelle de la volonté ?

L’entraînement, la gymnastique, rien de plus, rien de moins.

La force de la volonté où elle est nécessaire.

13. Mais il y a gymnastique et gymnastique : si un homme se trace lui-même un plan d’action et se force à le suivre, nous appelons cela de la gymnastique ; il peut être cependant fort éloigné de la terrible sévérité qui forme la routine journalière d’un ascète ou d’un fakir.

L’exercice est une méthode qui s’étend de la simple tentative pour vaincre un léger défaut jusqu’à l’entraînement progressif et complet du. soldat qui se prépare au service actif.

Toute discipline est un entraînement, mais il y a des entraînements qui dépassent leur but.

Un système d’exercices développant la volonté pure, convenablement exécutés, apporte un gain réel, ne serait-ce que parce qu’il fortifie la volonté sur une base méthodique ; mais s’il est excessif, il tend à détruire l’âme, et c’est l’âme qui fait l’homme.

Notre but ne doit pas être de développer n’importe quelle force, mais celle qui est nécessaire pour atteindre l’objet qu’on en a vu.

Une gymnastique mentale qui ne tend pas à cultiver la personnalité peut être sublime ou absurde ; elle est extérieure aux préoccupations du pelmanisme.

Le manque de persévérance.

14. L’éducation de la volonté se heurte encore à d’autres difficultés.

Il y a d’abord cette sorte de faiblesse de la volonté qui se manifeste par la cessation progressive de l’effort et de l’action après un début qui promettait merveille.

Voyez cet homme d’affaires qui se lance dans une entreprise et n’a pas assez d’énergie pour la poursuivre ; cet étudiant qui commence l’étude d’une nouvelle langue, mais n’a pas le courage d’aller jusqu’au bout.

Ce défaut de persévérance se guérit, mais non pas par la discipline formelle.

Est-ce, par exemple, en poussant une chaise pendant cinq minutes autour d’une salle qu’ils fortifieront beaucoup leur volonté ? De tels moyens donnent en général de piètres résultats.

Il vaut mieux, nous le montrerons, se servir de l’autosuggestion pour acquérir l’habitude de la persévérance, cet approvisionnement régulier de la volonté.

La force de volonté se transformera en habitude.

L’indécision.

15. Non moins répandue est l’irrésolution ou l’indécision.

Elle consiste à peser si longtemps le pour et le contre d’une opinion à admettre ou à formuler, d’un acte à accomplir, que le dési r d’être fixé ou d’agir s’émousse et qu’on reste au stade d’inertie.

L’âne de buridan, entre deux bottes de foin placées à même distance, l’une à droite, l’autre à gauche, ne put se décider à tourner la tête ici ou là, et se laissa mourir de faim.

Cet exemple classique ridiculise une faiblesse commune à combien d’hommes ! sans doute on ne peut pas vivre dans une expectative continuelle, mais la somme du temps perdu en hésitations inutiles est considérable, même chez des individus qu’on croit énergiques.

Il faut se modifier progressivement : prendre l’habitude de se décider et d’agir tout de suite, d’abord dans de petites circonstances sans grande importance : choisir un plat au restaurant, une cravate, une étoffe, un parfum dans un magasin, telle ou telle direction pour une promenade.

À chacun de dresser le tableau des cas quotidiens où il témoigne de l’indécision et de mettre dans la plaie le fer rouge, — quitte à commettre d’abord de petites erreurs.

Ainsi s’établira une bonne habitude, qui s’appliquera ensuite de proche en proche aux faits importants : choisir une carrière, exécuter les actes désagréables du métier, tenir son courrier à jour, se marier, entreprendre un voyage d’affaires pénible, liquider une association inutile ou nuisible.

Allez du facile au difficile, du simple au complexe : vous arriverez bientôt à vous décider sans délai dans toutes les circonstances, avec un risque minimum d’erreurs.

Car l’indécision a aussi pour effet d’obscurcir les idées, d’émousser les sentiments, qui perdent ainsi leur puissance active. Plus on hésite, moins on voit clair.

L’habitude de la décision donne au contraire l’habitude concordante d’évaluer très vite et en pleine lumière les mobiles et les motifs d’action ; c’est ainsi qu’elle diminue les chances d’erreur.

« tout le monde peut se tromper », dit un dicton populaire ; mais celui qui se trompe le moins, c’est celui qui, avec un esprit net et une volonté ferme, décide le plus vite.

Le procédé de la commande.

16. Il arrive souvent que l’on veuille bien faire quelque chose, mais qu’on imagine cet acte trop difficile pour soi, ou trop fatigant.

Un bon moyen détourné pour mettre en marche la volonté consiste alors à se faire imposer l’acte par le dehors.

On connaît le cas de ce poète, aujourd’hui de l’académie, qui, se sachant trop paresseux pour écrire, s’arrangea pour se faire commander ses poèmes ou ses livres par des revues ou des éditeurs.

« Tout ce que j’ai écrit, dit-il un jour, m’a été commandé d’avance ; la prose comme les vers ; j’estime que si on ne m’avait rien commandé, je n’eusse jamais rien produit. »

Vous aussi, vous pouvez, — au moins pour commencer, — suggérer la « commande » ; vous pouvez proposer à votre patron telle tâche difficile ; vous pouvez, si vous êtes timide, prendre devant témoins l’engagement de parler en public ; vous pouvez faire le pari d’apprendre l’anglais en trois mois.

Bref, les occasions ne manquent pas dans la vie où l’on peut se faire imposer un acte ou une série d’actes dont l’exécution exige un effort plus grand que ceux dont on a l’habitude.

C’est l’attitude contraire à celle du « moindre effort », si répandue, et si dangereuse parce qu’elle affaiblit progressivement la volonté.

Mais il est entendu que le recours à la « commande » ne doit être que temporaire ; c’est un simple échelon vers l’acquisition de la volonté autonome et consciente.

L’initiative.

17. L ‘initiative est à la fois état d’esprit et forme d’activité : elle est une manifestation de la volonté ; elle s’oppose à l’apathie, à la routine.

La plupart de nos sentiments, de nos idées et de nos actes sont soumis, comme il a été dit ci-dessus, à l’influence du milieu et de l’habitude.

Mais il se présente parfois, sinon souvent, des circonstances où nos tendances et nos actes ordinaires sont insuffisants parce que vieillis, alors qu’il faudrait des énergies jeunes et nouvelles. L’individu routinier ne fera pas l’effort d’invention et d’adaptation nécessaire ; mais celui qui a de l’initiative cherchera et trouvera une combinaison de sentiments, d’idées et d’actes qui résoudront la difficulté ou le problème. Il inaugurera ( initium signifie commencement en latin) un nouveau procédé d’activité.

Soit une administration qui fonctionne depuis vingt ans ; des circonstances interviennent qui obligent à en modifier la marche ; il faut donc élaborer un arrangement nouveau du personnel, du travail et des produits.

Avoir de l’initiative consistera dans ce cas à inventer des cadres qui répondront à ces exigences nouvelles.

Or, tout évolue sans cesse : chacun doit prévoir que tout ne marchera pas toujours comme aujourd’hui et contribuer, par son initiative, aux transformations utiles.

Car encore ne faut-il pas proposer ou prendre des initiatives à tort et à travers. L’excès d’initiative est aussi redoutable que l’excès de routine et l’automatisme.

Qu’on nous comprenne bien : nous voulons réveiller les endormis ; mais non pas en faire des agités.

Seulement, quand vous avez une idée qui, après mûre réflexion, et même après des essais personnels, vous paraît bonne et pratique, n’hésitez pas à la proposer à vos chefs, ou à en tenter l’application dans votre affaire.

Limitez le risque, mais courez-le ; c’est à ce prix que s’obtient le, progrès.

Si certaines initiatives entraînent de grands changements économiques et sociaux, d’autres ne déterminent que des modifications d’importance secondaire ; elles sont pourtant tout aussi nécessaires pour l’éducation de la volonté.

Font preuve d’initiative la dactylographe qui dispose avec goût et intelligence le texte qu’elle vient de sténographier ; la maîtresse de maison qui, obligée par des événements imprévus de gagner de la place, dispose mieux ses étoffes et ses meubles ; l’écrivain qui, par suite de nécessités d’édition, remanie le texte, peut-être même le plan de son livre, le médecin qui, en présence d’un cas urgent, réorganise aussitôt la distribution de ses visites et de ses consultations…

L’initiative est nécessaire dans tous les métiers, dans toutes les professions et même dans toutes les circonstances de la vie, des plus petites aux plus grandes. Elle constitue une excellente gymnastique pour la volonté.

Les trois pas.

18. Revenons maintenant à l’analyse de la volonté.

Nous avons montré qu’elle débute par la délibération, au cours de laquelle l’intelligence discute si elle fera exécuter, ou non, l’acte projeté, ainsi que les moyens de le réaliser.

Nous avons conseillé de ne pas prolonger trop longtemps cette réflexion, qui risque de rendre la résolution impossible.

Réfléchissez, puis décidez-vous.

Mieux vaut se tromper que d’être indécis, car on peut profiter d’une erreur et on ne cultive pas l’impuissance.

C’est dans l’acceptation de ce risque à courir que l’on reconnaît l’homme d’initiative et de courage, prêt à endosser des responsabilités.

Les trois pas décisifs, au cours de l’acte volontaire, sont donc :

La Décision, que nous venons d’étudier ;

L’ Effort, déploiement de l’énergie pour réaliser l’acte décidé ;

Entre les deux, plus ou moins consciente, cette Affirmation : JE PEUX.

Sans la conviction que vous pouvez, vous n’entreprenez pas l’effort réalisateur, ou vous n’esquissez qu’une tentative insuffisante.

De cet élément de confiance dépend le succès de l’acte volontaire — dans la mesure, bien entendu, où sa réussite est en notre pouvoir.

Certes, il ne suffirait pas de se persuader qu’on peut prendre la lune entre ses dents, pour y réussir.

Mais pour tout ce qui dépend de nous, il faut éprouver dans toute sa force cette conviction : JE PEUX, pour trouver en soi l’énergie de réalisation.

En quel sens il faut limiter ses efforts.

19. Des esprits judicieux conseillent de commencer la rééducation du vouloir par le ferme propos de viser un but précis et un but pas trop ardu à obtenir.

D’autres, plus audacieux, estiment qu’il ne faut assigner d’avance aucune borne au réalisable, car le possible recule à mesure que l’on accroît ses forces et les ressources de son esprit.

Les uns et les autres ont raison, à des points de vue différents.

Qu’un débutant ne s’accable pas en s’assignant un but actuellement presque inaccessible d’après les moyens dont il dispose.

Mais « l’avenir n’est interdit à personne », et les plus débiles peuvent se ranger, plus tard, parmi les plus énergiques.

Quand l’enthousiasme pour le progrès a été suscité, bien loin de le réprimer comme vain orgueil, entretenons-le, pourvu que l’effort persévérant justifie l’ambition grandissante.

Cette ardeur s’entretient à la fois par les résultats que l’on acquiert et par l’autosuggestion que l’on continue de pratiquer.

IV. La suggestion et l’autosuggestion dans l‘éducation et dans les affaires

Qu’est-ce que la suggestion ?

1. Dans le langage courant, on appelle suggestion une idée, un désir, un acte qu’on vous a inspirés.

Par exemple, ce cours vous a aidé à formuler un plan de vie et vous a montré le meilleur moyen de le réaliser. Les résultats obtenus vous ont satisfait et, en causant avec un ami, vous lui « suggérez » de suivre votre exemple.

Ayant foi en votre jugement, l’ami se rend à votre conseil. Il obéit à votre « suggestion ».

Grâce aux recherches des psychologues, ce mot a d’ailleurs pris dans la terminologie scientifique, depuis une trentaine d’années, un sens de plus en plus précis.

La subordination à l’effort d’autrui pour vous persuader de croire ou d’exécuter telle ou telle chose peut être profonde si les circonstances s’y prêtent.

Un prisonnier anglais très instruit, le professeur sefton delmer, interné à berlin, n’avait à sa disposition que des journaux allemands d’après lesquels les armées anglaises étaient constamment battues : « Lorsqu’on vit ainsi dans une atmosphère de suggestion perpétuelle, dit-il, on finit par y succomber tôt ou tard. Le plus étonnant, c’est que cette influence s’exerce même sur les esprits qui en perçoivent la pression. »

Les diverses sortes de suggestion.

2. On peut donc distinguer des suggestions collectives et d’autres qui s’exercent d’individu à individu.

L’influence directe d’une personne sur une autre par le moyen du langage ne constitue que la moitié des faits de suggestion ; l’autre moitié est représentée, d’une part, par toutes les influences inexprimées qui nous viennent de l’ambiance, fût-ce à notre insu ; et de l’autre, par l’emploi systématique des principes de la suggestion dans la médecine, dans l’éducation et dans les affaires.

Pour envisager le sujet dans toute son ampleur, il faut donc considérer tour à tour :
1° Les Suggestions Inexprimées : l’Imitation.

3. Peut-être ignorez-vous que dans la vie de chaque jour vous subissez, sous forme d’imitations, l’action de l’un des principes de la suggestion.

Pourquoi, par exemple, ne vous habillez-vous pas comme les français du xviie siècle, avec des habits de somptueuses couleurs ?

Parce que vous attireriez trop l’attention. Il est plus simple et plus sûr de se vêtir comme les autres, d’un costume moderne. dans l’ensemble, votre vêtement doit suivre la mode.

Nous avons tendance à faire ce que nous suggèrent la grande majorité des gens par les exemples qu’ils nous donnent.

Nous avons même tendance à imiter les actions individuelles.

Nous empêchons un enfant de jouer avec un petit camarade atteint de la danse de

Saint-guy, parce que nous savons que les enfants sont impressionnés par cette maladie nerveuse, et tendent à en reproduire les convulsions.

Vous-même, si vous restez une demi-heure en compagnie d’un bègue, vous vous sentez enclin à bégayer. Le bâillement, le rire se communiquent aussi.

Une promenade sur les grands boulevards est une leçon de suggestion. Les employés qui ont dressé les étalages peuvent ne pas connaître la signification de ce mot ; ils n’en suivent pas moins les principes. L’élégante disposition des vitrines n’a qu’un but : suggérer aux passants d’entrer dans le magasin et de faire des achats immédiats.

2 ° les suggestions exprimées.

4. Une suggestion énoncée n’est pas très différente ; sa caractéristique est d’être personnelle, et par conséquent plus forte.

Je puis regarder l’étalage des magasins, en admirer les marchandises, penser à en acheter quelques-unes, et passer outre.

Mais si un ami survient pendant que je regarde, il peut me pousser à faire une emplette, et la suggestion interne et silencieuse est mûrie et fortifiée par un appel extérieur et personnel.

Cet exemple montre que, si puissante que soit l’influence du milieu, elle l’est rarement autant qu’un facteur humain direct.

Les boniments des marchands forains, les discours des avocats, des hommes politiques mettent aussi en œuvre la suggestion directe.

3 ° les suggestions médicales.

5. Si, matin et soir, vous vous répétez que vous êtes mal portant, si vous vous plaignez et prenez l’attitude d’un malade, vous augmentez les chances de vous affaiblir et de tomber malade réellement.

La même loi agit en sens contraire. Si, vous réveillant avec un léger mal de tête, vous vous levez cependant pour vous occuper de vos affaires, comme si vous étiez en parfaite santé, le plus souvent vous « oublierez » votre malaise qui disparaîtra bientôt.

Les médecins eux-mêmes, tenant compte de ces observations, ont été amenés à user de plus en plus largement de la suggestion.

Ne confondez pas la suggestion avec l’hypnotisme. Ce dernier exerce une influence sur le sujet en le privant de sa conscience et en suspendant sa volonté, ce que ne font ni la suggestion ni l’autosuggestion normales.

4 ° les suggestions éducatives.

6. Les suggestions éducatives sont proches des suggestions médicales.

Elles s’exercent dans deux directions : sur les autres, et ici la suggestion est un adjuvant pédagogique ; sur soi-même, et dans ce cas la suggestion prend le nom d’autosuggestion.

Parents et maîtres ont avantage à influer sur les enfants réunis en groupe (suggestion collective) et à réserver l’influence directe pour les enfants d’une nature difficile ; ils éviteront ainsi l’abus des punitions.

Ils obtiendront de meilleurs résultats dans les actes à accomplir.

Ici aussi le positif est préférable au négatif : mieux vaut obtenir le consentement de l’enfant au bien, en lui suggérant qu’il le préfère, que de lui interdire le mal.

Mais il n’y a pas à faire seulement l’éducation des autres ; il faut aussi faire la sienne.

Les principes d’application sont les mêmes ; seulement l’autorité à laquelle vous êtes soumis est en vous ; elle ne vous est pas imposée du dehors ; vous l’avez choisie de plein gré et vous lui obéissez bénévolement.

5 ° les suggestions dans les affaires.

7. Elles sont de même nature que les suggestions médicales lui assurent la santé, et que les suggestions éducatives, qui contribuent à la formation du caractère et de la culture générale ou spéciale.

La suggestion développe la concentration de l’attention dans les affaires, pour les affaires.

Nous avons déjà parlé de la suggestion exercée sur l’acheteur par un étalage ou par une opinion exprimée à haute voix.

Ajoutons que la publicité agit, elle aussi, par suggestion.

De même, un représentant de commerce doit agir sur autrui non seulement par la persuasion, qui est d’ordre logique, en exposant les mérites et les avantages de sa marchandise, mais aussi par l’influence de sa volonté de vendre et par la maîtrise supérieure de sa personnalité.

Dans toute conversation d’affaires, la suggestion joue un rôle, plus ou moins important selon les cas, mais dont il faut toujours tenir compte, soit pour pousser ses avantages, soit pour se défendre.

Dans ce cas, la suggestion est employée par le sujet lui-même (par autosuggestion)

Afin d’éliminer ses faiblesses (timidité, diminution de l’attention, etc.).

Tout homme d’affaires, même d’intelligence à peine moyenne, peut éduquer son esprit en se suggérant que les difficultés avec lesquelles il est aux prises ne sont pas insurmontables, mais qu’il peut, au contraire, en triompher ; et quand il aura acquis l’intime conviction qu’il le peut, il le pourra effectivement.

Le principe scientifique est le suivant :

Chaque pensée affirmée et réaffirmée tend â devenir une action.

Qu’est-ce que l’autosuggestion ?

8. Nous avons dit ci-dessus à plusieurs reprises que la suggestion peut être appliquée par le sujet lui-même.

Cette autosuggestion est un phénomène complexe, dont l’Étudiant trouvera une analyse approfondie dans la Leçon XI, où nous traitons du subconscient. C’est en effet sur lui qu’agit l’autosuggestion.

Tout acte de volonté, pour se réaliser, nécessite :

1ůn ordre donné à soi-même ; vouloir c’est savoir se commander ;

2 ° l’exécution de cet ordre ; le « moi » conscient délibère ; le « moi » subconscient reçoit les ordres et les exécute.

Tel est le mécanisme de l’autosuggestion.

Ces explications préliminaires suffisent à l’étudiant pour lui permettre de comprendre ce qui suit, où nous examinerons de préférence quelques modalités d’application de l’autosuggestion à divers domaines des affaires, étant bien entendu que les principes directeurs ainsi dégagés sont transposables aux autres domaines de la vie publique et privée.

L’autosuggestion dans les affaires.

9. Vous pensez peut-être que tout cela fait très bien sur le papier, mais ne peut être mis en pratique.

N’en croyez rien : le cours pelman a pour objet d’être, avant tout, réalisable ; il ne vous engage à appliquer que des principes d’une utilité éprouvée.

Écoutez plutôt l’anecdote suivante ; on pourrait en conter de semblables à propos des diverses professions.

Quelques hommes d’affaires, tous d’âge mûr, se trouvaient réunis à déjeuner et décrivaient leurs expériences.

Après avoir entendu l’un des convives raconter comment il avait échoué dans un de ses projets, le directeur des ventes d’un grand magasin s’écria : « Si vous me le permettez, je vais vous dire pourquoi vous n’avez pas réussi.

C’est que vous n’êtes pas allé de l’avant avec confiance ; mais ne confondez pas cet état d’esprit avec la vanité ou la fanfaronnade.

“laissez-moi vous rapporter un incident dont j’ai été témoin. Je vendais des marchandises depuis plus de vingt ans lorsque, pour la première fois, j’entendis parler des lois de la suggestion.

Je commençai par en rire, mais après avoir lu un livre qu’un de mes amis m’avait prêté, j’en vins à penser que cela méritait d’être pris en considération. J’étudiai soigneusement l’ouvrage et j’essayai d’en appliquer quelques principes.

Je commençai ainsi : chaque fois que je parvenais à me convaincre que la vente de mes marchandises à un certain acheteur n’était pas impossible, je me rendais toujours chez celui-ci avec le sentiment que j’avais déjà réussi à lui vendre ce que je voulais.

Résultat ? je vivais tout le jour dans une joyeuse expectative, ce qui me mettait en train et me permettait de tirer le meilleur parti possible de mes capacités. Toutes mes facultés étaient alertes, ma mémoire des détails était sur le ‘ qui-vive’, et j’apportais avec moi l’atmosphère de l’homme qui ‘ peut’. ‘

J’avoue franchement qu’il m’est arrivé d’échouer ; mais, j’avais alors la consolation de penser que je n’étais pour rien dans l’échec : il était dû aux circonstances.

La semaine dernière, je dressai un plan de vente dont l’audace me donnait le vertige. Il me fallut quelque temps pour me convaincre que la chose était faisable.

Alors, je me mis en devoir de l’exécuter. J’y réussis ; et, dans mon genre d’affaires, c’était bien la plus grosse opération qui eût jamais été tentée.

Si vous comparez ma manière d’agir actuelle avec celle d’il y a vingt ans, vous verrez de quel avantage la suggestion a été dans mon commerce. »

Comment pensait notre vendeur.

10. « pendant les premières années de mon métier, de vendeur je passai, en ce qui concerne la vente des marchandises, par les divers états d’esprit suivants :

(1) je ne pense pas vendre de marchandises.

(2) il se peut que j’en vende, mais je crains que non.

(3) je crois que j’en vendrai.

(4) je suis certain d’en vendre.

Maintenant, j’ai aboli les trois premiers états d’esprit. Je ne conserve que l’esprit de certitude, et je forme mes subordonnés â le cultiver ».

L’un des convives dit : « mais â quoi vous sert d’être certain si, au plus profond du cœur vous savez qu’il n’y a aucune certitude » ?

Le directeur des ventes sourit et répliqua :  vous êtes un homme pratique : parlons donc d’une manière pratique.

Si l’un de vos employés vous affirme : « je suis sûr de vendre ces marchandises» et qu’un autre vous avoue : « je tâcherai de les vendre, mais je suis sûr que je n’y arriverai pas», auquel des deux donnerez-vous le travail ?

Au premier, évidemment.

Il se peut que le deuxième employé vous donne d’excellentes raisons pour vous démontrer qu’il ne se présentera pas d’acheteurs, mais une bonne éducation mentale lui prouverait qu’une vente, qui est un fait positif, ne peut jamais provenir d’une conviction négative.

Sans doute, il est sincère, mais demandez-lui de se suggérer qu’il peut, et d’agir comme s’il pouvait, et voyez s’il ne réussit pas ! Dans tous les cas, il vendra beaucoup plus que s’il se met en route avec l’esprit plein du ‘ Peut-être’ ou du ‘ Je ne peux pas’. »

Son interlocuteur l’interrompit de nouveau : « tout cela a l’air assez vrai, mais il me semble que vous faites de votre deuxième employé une vivante contradiction. Je n’ai parmi les miens personne qui dise : ‘ Je ne peux pas.’

Si j’avais un tel employé, je le congédierais. Mais supposons un moment que j’en aie un et que je lui recommande d’avoir recours â l’autosuggestion. il partira en campagne avec deux idées distinctes et contradictoires.

Dans une partie de son cerveau, il aura la conviction qu’il ne vendra probablement pas mes marchandises, et dans l’autre, une conviction croissante qu’il les vendra.

Pendant qu’il travaillera pour moi, il y aura donc une lutte constante en son esprit, entre le ‘ je peux’ et le ‘ je ne peux pas’, et on parierait dix contre un que l’ idée négative l’emportera. Que fera un homme qui a en tête une telle contradiction ? »Le directeur des ventes se frotta les mains joyeusement et reprit : « Cher Monsieur, il vous faut admettre qu’au cas où le résultat de la contradiction serait une victoire pour le ‘ je peux’, ce serait autant de gagné pour vous et pour l’homme.

Par ‘ Je peux’, je veux dire : je peux des choses réellement possibles, la contradiction n’est donc qu’apparente. Il y a bien des choses qui nous paraissent si grandes, si lointaines, si difficiles, que nous nous croyons incapables de les atteindre ; et, quand nous disons ‘ je peux’, la contradiction dont vous parlez se présente ; mais dans neuf cas sur dix, la victoire est pour le ‘ je peux’, et la grande chose qui nous effrayait se réalise, parce qu’elle est vraiment possible.

Laissez-moi vous dire ici qu’un apprentissage dans l’art de vendre ne suffit pas à faire un bon vendeur. L’esprit a besoin d’être éduqué avant que la technique de la vente soit vraiment comprise ».

Il ressort de cette anecdote véridique que ce que nous pouvons appeler la ‘ contradiction’ de la suggestion est la croyance de l’individu à son infériorité en face d’une tâche à remplir. Le rôle de la suggestion consiste à rétablir l’équilibre au profit de la confiance en soi.

Tout individu peut ‘ s’entraîner’ sur ce point en usant de la suggestion dans l’accomplissement d’actes possibles et déjà conçus comme probablement réalisables.

Un premier succès augmente la croyance au pouvoir de la suggestion.

Nous vendons tous quelque chose.

11. Ce même récit fait naître bien d’autres réflexions, spécialement en tout homme qui doit gagner sa vie. tout le monde vit en vendant quelque chose.

Même l’homme qui ne ‘ travaille’ pas vend son capital à l’emprunteur pour obtenir des intérêts qui s’ajouteront au capital ; le médecin et l’avocat vendent leurs connaissances au public ; et les employés vendent leurs services à un patron.

Naturellement, la marchandise varie à l’infini. Les denrées que débite un marchand de comestibles n’offrent aucun point de comparaison avec l’habileté du chirurgien qui fait payer 20. 000 francs une opération ; mais le même principe opère dans les deux cas :

Un individu vend et un autre achète.

Vous savez ce que vous avez à vendre au public ou à un patron, et, vous n’ignorez point que votre revenu annuel dépendra de la qualité de vos marchandises et de la manière dont vous les vendrez.

L’autosuggestion vous montre comment vous pouvez accroître la valeur de votre stock et vos procédés de vente.

Elle vous découvre une vaste perspective de progrès dans toutes les directions ; elle abolit le craintif ‘ je ne peux pas’ et le remplace par l’énergique ‘ je peux’.

La confiance fait vivre et triompher.

12. ‘ À cœur vaillant rien d’impossible’  ; ‘ Impossible n’est pas français’, a-t-on dit, et la guerre de 1914 a confirmé dans une large mesure ce fier adage.

Quand les généraux du grand état-major eurent à parer aux exigences d’une nouvelle méthode de guerre, alors que les armements nécessaires manquaient pour arrêter l’invasion, ils ne dirent pas : ‘ Nous ne pouvons pas’, mais ‘ Nous pouvons !’

Lorsque les héros de Verdun durent se mesurer avec les allemands, dix fois plus nombreux qu’eux, ils ne dirent pas : « Nous ne pouvons pas les empêcher de passer,»

Mais : ‘ Nous pouvons’, et ils purent  !

Bernard Palissy éprouva, avant de réussir, les échecs les plus décevants. Réduit au dénuement, il aurait été excusable de penser : ‘ Je ne peux pas’. Mais il persista à penser : ‘ Je peux’ et parvint à fabriquer ces poteries qui ont de nos jours une valeur inestimable.

Il reste aujourd’hui encore le type magnifique de l’inventeur tenace et confiant.

Il n’y a pas un seul des grands inventeurs qui n’ait passé par des alternatives de désespoir, mais en qui le ‘ je peux’ n’ait fini par prendre le dessus.

Réponse au sceptique : ce n’est pas un miracle, mais une loi.

13. Certes, nous ne prétendons pas faire croire que tout homme peut réaliser n’importe quoi, pourvu qu’il soit convaincu du succès.

Loin de là ! mais prenons votre cas : vous avez une ambition personnelle et vous cherchez à la satisfaire.

Votre ami georges travaille dur, lui aussi, pour réaliser la sienne ; mais, tandis qu’il croit au succès, vous, malgré votre diligence, craignez à demi d’échouer.

D’où vient cette différence entre vous ? de l’autosuggestion.

Georges voit les obstacles aussi clairement que vous, mais chaque jour il se dit : ‘ Je peux’, tandis qu’au contraire vous doutez et dites : « Peut-être ne pourrai-je pas ».

Vous ne ralentissez pas vos efforts, mais le doute et la crainte entament un peu la force de votre résolution.

Si, matin et soir, vous vous répétez que vous ne pouvez pas exécuter tel acte, par exemple passer tel examen difficile, si vous vous plaignez à vos amis, si vous vous déprimez artificiellement, vous vous affaiblirez peu à peu et finirez en effet par échouer.

Vous aurez raison, mais à votre propre détriment !

Vous avez donc besoin de reconstituer votre personnalité selon la méthode pelmaniste, car la même loi agit en sens contraire.

Le matin en vous levant et le soir en vous couchant, persuadez-vous que vous avez le pouvoir, la domination, la victoire.

Rappelez-vous que chaque pensée chargée de sentiment tend à devenir une action, et que des actions répétées se muent en habitudes.

Pensez au succès, rêvez au succès, croyez-y, parlez-en et agissez comme si vous l’aviez atteint, — et voyez : le succès vient à vous !

Il n’y a là rien de miraculeux.

C’est une vérité, une loi aussi vieille que le monde, que talleyrand proclama en affirmant : ‘ Rien ne réussit comme le succès’.

Le succès est-il un but méprisable ?

Peut-être avez-vous lu quelque part qu’il est vil de rechercher le succès.

Quelle hypocrisie !

Un chef de gouvernement cherche à réussir dans la conduite des affaires de l’état.

Le directeur d’un grand journal cherche à en augmenter l’influence sur le public.

L’homme de lettres cherche à égaler ses prédécesseurs ; et le savant est avide de découvertes nouvelles.

Chacun dans sa sphère recherche le succès. Et pourquoi non ?

Trop d’hommes pensent et agissent autrement !

Ils redoutent toujours un échec et répètent souvent : ‘ ce que je craignais le plus m’est arrivé’.

Ils étouffent délibérément tout espoir, tout stimulant pouvant favoriser l’acte libérateur, ou le laissent s’éteindre faute de l’entretenir.

V. Pourquoi l’on échoue dans la pratique de l’auto-suggestion

1° par ignorance.

1. Parfois des étudiants nous écrivent : ‘ j’ai essayé l’autosuggestion pour surmonter mes difficultés personnelles, mais je n’ai pas réussi. pourquoi ?

D’abord, il nous faut connaître ces difficultés.

Supposons qu’un homme ait lu quelque part que pour obtenir sûrement l’objet de désirs — à condition que cet objet soit raisonnable et bon — il lui suffira de se le représenter mentalement avec intensité, et de le vouloir avec force.

S’il manque de jugement, il désirera que sa publicité lui rapporte des bénéfices immédiats, ou que sa connaissance de l’anglais s’accroisse sur-le-champ, ou que le secret dont il cherche la clef lui soit soudain révélé ; il emploie l’autosuggestion pour précipiter l’accomplissement.

Or, rien d’extraordinaire ne produit !

La raison en est qu’il ne comprend pas le sujet.

C’est sottise d’imaginer qu’on peut ‘ autosuggestionner’ plus de réponses à une annonce, ou savoir l’anglais rien qu’en se répétant qu’on le sait, toute étude devenant ainsi superflu ou dévoiler quelque mystère en affirmant simplement l’existence d’une découverte scientifique, ou accomplir en cinq ans un travail qui, dans les circonstances ordinaires, en exige dix ou quinze.

Les choses n’arrivent pas ainsi.

Ce que l’homme peut faire, c’est se ‘ suggérer’ à lui-même que ses efforts seront plus féconds qu’ils ne l’ont été jusqu’ici ; et cette suggestion convenablement exécutée amènera le succès.

2 ° par paresse.

2. ‘ Croire’ ne dispense pas d’agir, mais permet d’agir avec efficacité.

L’autosuggestion ne remplace pas le travail, mais elle le rend plus facile et plus productif.

La pratique de l’autosuggestion ne crée pas de nouveaux pouvoirs de toutes pièces ; elle développe les capacités innées, comme le levain fait gonfler la pâte, jusqu’à ce que l’esprit ait atteint le développement dont il est susceptible.

Il faut avoir une base de travail.

Un individu n’ayant pas un vif sentiment de la beauté ne pourra jamais s’autosuggestionner assez pour devenir un artiste ; un autre, nullement doué pour les mathématiques, n’arrivera pas à s’attribuer par autosuggestion la faculté de comprendre le théorème des binômes sans presque l’étudier.

3 ° par précipitation.

3. L’échec peut provenir simplement d’une trop grande hâte.

Même lorsqu’il s’agit du développement de la force de volonté, un étudiant qui a renoncé à tout espoir aurait pu réussir s’il avait tenu bon un peu plus longtemps.

Donnez-vous donc le délai qu’exige la loi de l’effort pour accomplir son œuvre.

Laissez votre corps et votre esprit s’accoutumer à la nouvelle méthode.

Souvenez-vous que toute conquête personnelle a des résultats d’une telle importance qu’un effort vigoureux et persévérant mérite d’être fait.

4 ° par scepticisme.

4. Le doute nous soustrait à la loi de la suggestion positive et nous enrôle sous la bannière de la suggestion négative.

Il y a des hommes et des femmes qui, par constitution, pourraient presque être classés selon l’éternel « Oui » et l’Éternel « Non » de Carlyle.

Ils sont prédisposés à dire ‘ oui’ ou ‘ non’ à la plupart des questions de la vie.

On peut admettre que les gens du groupe ‘ non’ ont rendu et rendent encore de grands services.

Ils empêchent le reste du, monde de croire que ‘ la lune est faite de fromage vert’,

Comme disent les anglais, ou d’ajouter foi à d’autres absurdités.

Pourtant, les événements les plus favorables semblent se presser autour des ‘ oui’, et l’état d’esprit idéal devrait probablement être composé de deux tiers d’énergie affirmative pour un tiers de négative.

Quoi qu’il en soit, l’histoire n’enregistre que les exploits des gens qui s’écrièrent : ‘ Je peux’. Ceux qui dirent : ‘ je ne peux pas’ n’étaient rien et le restèrent.

Il arrive cependant qu’un effort sincère et judicieux ne permette pas d’obtenir les résultats désirés.

De tels échecs se produisent souvent lorsqu’on applique l’autosuggestion à des désordres physiques ; et quoique ceux-ci appartiennent à l’art médical et soient, par conséquent, hors de notre ressort, on nous permettra de dire qu’avant d’atteindre au succès, il est nécessaire de rétablir sa santé afin de créer de nouvelles et fortes voies nerveuses du cerveau à la partie affectée du corps — ce qui exige du temps et de la patience.

Avant de triompher, il faut réunir les divers facteurs du succès.

La psychologie du ‘ je peux’.

5. La raison pour laquelle le ‘ je peux’ réussit et le ‘ je ne peux pas’ échoue est simple. L’homme qui ‘ peut’ se forme une vive image mentale ; il se la représente si souvent, et avec une telle intensité de désir, qu’elle devient comme une part de son esprit, s’établit dans le plan subconscient, et influence ses pensées et ses actes, bien qu’il ne s’en rende pas compte.

Chaque faculté est favorablement disposée à réaliser sans délai l’objet de cette image.

Le ‘ Je peux’ n’est pas créateur au sens absolu du mot, mais il permet la pleine mise en valeur des capacités de l’individu. L’homme qui dit : ‘ Je ne puis’ n’a que des images d’impuissance, et toutes ses capacités souffrent de cette diminution d’énergie.

Le succès est d’abord mental.

6. Presque tous les échecs d’autosuggestion sont dus à l’emploi d’une méthode défectueuse.

L’étudiant considère surtout le fait objectif, et il s’attend à constater un changement dans les choses au lieu d’un accroissement de sa confiance mentale.

Celui qui affirme : ‘ je ne tousse pas’, et peut à peine prononcer les mots à cause d’une violente quinte de toux, se convaincra rarement de la valeur de l’autosuggestion, et n’en convaincra pas davantage les autres surtout si, après avoir énoncé cette affirmation, il attend pour voir s’il toussera encore, suggérant ainsi directement – par le seul fait d’y penser – un retour du malaise.

L’idée de guérison doit d’abord exister dans l’esprit sous forme d’image mentale précise et être ensuite revivifiée par des affirmations répétées, tandis qu’on s’occupe à autre chose — précaution très importante parce qu’ainsi, l’attention étant déviée sur un autre point, le subconscient peut élaborer librement les forces de résistance au mal.

Le succès ne se réalise dans les faits que s’il s’est d’abord établi en nous-mêmes.

Contemplez l’image mentale.

7. La pratique de l’autosuggestion se fonde essentiellement sur le principe suivant : contemplez l’image mentale de l’acte à effectuer.

On doit se représenter, se voir soi-même, avec vivacité et précision, accomplissant l’action nécessaire. Cette image pénétrera tout votre esprit, qui bientôt s’y trouvera adapté.

L’image qui bénéficie de cette attention exclusive, ou du moins insistante, fera la conquête des parties obscures, mais très agissantes, de nous-mêmes, et s’y implantera solidement.

C’est ce que le lecteur comprendra mieux quand il connaîtra notre leçon xi, sur le « subconscient ».

De plus, s’il est vrai que toute idée — même passagère  — est une force (voir Fouillée, Psychologie des idées-forces), une idée sur laquelle l’esprit se concentre peut prendre, elle aussi, une puissance décisive, irrésistible.

VI. Applications pratiques de l’autosuggestion

1. Voyons maintenant comment utiliser ces données scientifiques et ces principes dans la vie pratique.

Vous répugnez, par paresse ou par timidité, à faire une chose ?

Alors surveillez-vous ; au lieu de penser à la tentation, fortifiez votre esprit en l’arrêtant le plus souvent possible sur l’image de l’acte qui répondrait à votre intention profonde ; car l’esprit, dans son énergie inconsciente, fait le travail.

Il accumule de la force pour atteindre le but que vous vous proposez, tandis que vous dormez ou vous livrez à vos occupations journalières.

À l’œuvre !

Souvenez-vous qu’il vous faut créer l’image et la maintenir présente pendant que vous opérez la suggestion. Oubliez les obstacles autant que possible. concentrez votre attention sur la vision de ce que vous voulez être, avoir ou faire.

Choisissez vos moments les meilleurs, les plus calmes, et exprimez en vous-même ces affirmations avec vigueur et confiance.

Sommeil ou réveil à volonté.

2. Voici des cas typiques de l’influence des idées.

La faculté de dormir à volonté est un art précieux.

Gladstone, en quittant la chambre après d’importants débats, pouvait tout oublier par un sommeil immédiat.

Napoléon aussi savait dormir à volonté.

Pensez à l’économie d’énergie réalisée par un tel contrôle du sommeil.

Comparez la force calme qu’il procure à l’agitation de l’homme qui cherche vainement à oublier les soucis du jour.

L’un est le roi de sa vie consciente, l’autre en est l’esclave.

Le contrôle du sommeil, dont nous traiterons amplement dans la leçon xi, quelquefois don naturel, peut s’acquérir.

Il y a deux sortes de conditions à observer. D’abord, le milieu physique ne doit présenter aucune cause d’incommodité et d’irritation, aucun bruit insolite.

Qu’on fortifie ensuite l’esprit par une forte suggestion affirmative telle que : « j’ai bien sommeil », « je veux m’endormir », « je dors debout » il conviendrait d’évoquer des images mentales représentant des états de sommeil, tout en respirant profondément et régulièrement.

De prime abord, ces instructions vous paraîtront peut-être futiles ; vous aurez l’impression que leur exécution est vouée à l’échec, mais la persévérance amènera vite un tout autre état d’âme, et l’habitude du contrôle commencera à se former.

Rappelez-vous qu’aucune habitude ne se forme immédiatement. Le premier acte engendre l’habitude, mais il est nécessaire de l’accomplir plusieurs fois pour que s’établisse la tendance à le répéter automatiquement.

Ne vous laissez donc pas décourager par quelques échecs. Persévérez.

La faculté inverse est de savoir se réveiller le matin à l’heure fixée la veille. Il importe de croire au succès et de rester calme, sinon la connaissance subconsciente que le réveil doit se faire à une certaine heure peut troubler votre sommeil.

Si tel était le résultat de vos essais, nous vous conseillerions de vous arrêter.

Quelques personnes découvrent qu’en prenant la résolution de s’éveiller une fois à 6 heures du matin, elles n’y. réussissent que trop bien.

Comme le docteur savage, le fameux spécialiste des maladies mentales, elles se réveillent pendant plusieurs jours à la même heure sans l’avoir voulu !

Voici l’analyse des résultats obtenus par un grand nombre d’étudiants pelmanistes :

Beaucoup s’éveillèrent, soit dix minutes avant l’heure, soit dix minutes après, généralement après.

Nous supposons que le réveille-matin imaginaire logé dans le cerveau sonna à temps, mais que quelques minutes s’écoulèrent avant que la conscience normale pût se rendre pleinement compte du fait.

Quelques individus ayant décidé de se réveiller à 6 heures, ouvrirent les yeux à 4 heures, puis à 4 h. 30, enfin à 5 heures et à 5 h. 30. Ces réveils successifs étaient causés par la crainte de ne pas s’éveiller au moment voulu.

Leur valeur pratique.

3. Les deux facultés de s’endormir et de s’éveiller à volonté ont une grande valeur pratique en ce qui concerne la santé, l’énergie et la capacité de travail.

C’est vraiment un grand avantage que de pouvoir dormir un quart d’heure lorsqu’on vient de finir une journée fatigante, et qu’on a devant soi une longue soirée de travail ; car les premières minutes de sommeil sont les plus réparatrices.

Un étudiant de l’institut pelman nous écrit : « Il m’est arrivé de surveiller des machines pendant deux ans… Je devais, entre autres occupations, remplir un réservoir d’huile et tourner le robinet lorsque le liquide était parvenu à une hauteur déterminée.

Un jour où je me sentais particulièrement somnolent (il m’arrivait souvent de travailler fort tard), je décidai de faire un somme. Je savais que la plus petite irrégularité dans le fonctionnement de la machine me réveillerait instantanément, mais comment saurais-je quand il faudrait fermer le robinet ? Je me risquai cependant à tenter l’aventure et je m’endormis. Eh bien ! je me réveillai presque à la seconde précise quoique je fusse dans une autre salle. Je continuai par la suite sans jamais m’oublier ».

Ne combattez pas le mal directement.

4. L’un des buts essentiels du pelmanisme est de débarrasser l’étudiant des défauts de caractère et des défaillances de travail qui compromettraient sa réussite.

À cet effet, c’est surtout l’autosuggestion positive qui doit entrer en action.

Après avoir une fois pour toutes compris le danger auquel nous exposent nos travers, il faut les prendre en aversion, n’y penser que pour trouver les moyens de les combattre.

Ces moyens trouvés, on doit les appliquer sans plus jamais penser aux défauts à supprimer : il faut au contraire ne fixer son esprit que sur les qualités à acquérir.

Pensez au bien, non pas au mal.

Prenez garde en effet que la lutte entretient et stimule l’adversaire, comme elle nous excite nous-mêmes.

La tactique la plus sûre, dès qu’elle est possible, est donc de ne pas combattre le mal directement, mais par l’acquisition de la qualité opposée au défaut considéré.

On surmonte la peur par la pratique du courage, la paresse par l’habitude du travail.

Règles pour l’emploi de l’autosuggestion.

5. (1) l’autosuggestion doit toujours être positive ; elle ne doit s’accompagner d’aucune hésitation. Elle ne doit pas être la simple expression d’un désir, et ne porter que sur l’avenir.

Ainsi, dès que vous êtes au lit, dites-vous à vous-même : ‘ ma mémoire s’améliore. Je puis me rappeler et je me rappelle.

Demain, elle sera meilleure qu’elle n’est aujourd’hui. Demain, je me remémorerai aisément tout ce que je voudrai.’

Répétez ces phrases et d’autres semblables jusqu’à ce que vous vous endormiez réellement.

Si le sujet de la suggestion n’est pas la mémoire, mais la timidité, adaptez les affirmations en conséquence.

(2) la suggestion doit être accompagnée d’une conviction sincère. Il ne faut pas que vous doutiez des résultats.

Si, malgré vos efforts, vous êtes tenté de discuter la valeur de l’autosuggestion, rassurez-vous par suggestion. Dites-vous : ‘ De tels doutes sont absurdes et indignes de moi’.

Malgré l’ardeur de la conviction, l’autosuggestion doit être pratiquée avec calme, dans la sérénité que donne la certitude absolue. N’employez pas de formules laissant place au doute.

(3) en pratiquant l’autosuggestion, l’esprit doit se concentrer sur la suggestion, et ne pas s’amuser à supputer les avantages qui en résulteront. Ces avantages doivent avoir été appréciés auparavant. même si la formule devient mécanique, ayez toujours une image mentale nette et vive de ce que vous voulez obtenir.

(4) l’autosuggestion doit être pratiquée régulièrement. Il ne faut pas que la fatigue vous pousse à l’omettre. continuez-la jusqu’au moment précis où vous vous endormez.

(5) s’il vous est possible de le faire, répétez les affirmations à haute voix.

(6) renforcez l’autosuggestion en la répétant la nuit, si vous vous réveillez.

(7) répétez-la de temps en temps pendant la journée, surtout aux moments les plus favorables, quand vous êtes le plus tranquille.

(8) ne changez pas chaque soir le sujet de l’autosuggestion, mais gardez-le même pendant plusieurs nuits successives. Vous pouvez alors en choisir un autre. Évitez toute concentration de pensée sur une difficulté qui vous inquiète, car de cette manière vous l’accentuez. Essayez de l’oublier après avoir employé l’autosuggestion. Pensez au succès.

Solution des problèmes complexes.

6. Des essais simples vous pouvez passer à des essais complexes : par exemple, persuadez-vous que vous pouvez surmonter une difficulté comme d’assimiler les règles du calcul intégral ; ou vaincre l’entêtement de votre voisin qui refuse de vous vendre une boutique, même cher, et vous empêche ainsi de vous agrandir ; ou faire face à une situation financière pénible.

Choisissez le problème qui vous paraît le plus ardu et, avant de vous endormir, suggérez-vous que vous pouvez le résoudre et que vous le résoudrez.

Faites-le consciencieusement et pratiquez la méthode prescrite, en vous pénétrant de sa vérité et de ses avantages. Il n’y a pas d’aide plus effective pour la formation du caractère.

De l’être faible que vous étiez vous faites un homme.

Votre défaut est peut-être la méfiance — le regard du blasé sur la vie — ; rien ne vous semble pur, rien ne vous paraît vrai, vous ne voyez partout qu’hypocrisie.

Afin de vous débarrasser d’un tel état d’esprit, cultivez la générosité du caractère, en vous persuadant que vous possédez cette qualité, et en étouffant la tentation d’imputer des motifs intéressés ou méprisables à chaque homme que vous rencontrez.

Nous l’avons déjà dit, mais nous ne le répéterons jamais trop  : Ne combattez pas le mal directement.

On a inventé, pour faire l’éducation de la volonté, certains exercices déterminés.

Ils ne nous semblent pourtant pas très efficaces. Il nous paraît préférable que l’Étudiant fasse d’abord les efforts qui lui seront utiles.

Mieux que personne, il connaît ses faiblesses ; qu’il essaie donc de les vaincre en mettant en pratique les préceptes exposés dans cette Leçon.

Surtout qu’il ne se ‘ crispe’ pas dans l’effort. Qu’il le fasse avec calme, avec la certitude de parvenir à se réformer.

Les questions qu’on doit se poser.

7. Si vous éprouvez des difficultés à exercer votre volonté, vous trouverez le remède dans les pages précédentes et dans les exercices qui vont suivre.

Quelquefois, cependant, il est difficile d’identifier un défaut personnel d’après sa description verbale.

En pareil cas nous recommandons le procédé suivant.

Répondez à chaque question posée ci-dessous, non pour nous, mais pour vous-même, afin de vous bien comprendre(a) M’est-il difficile de me décider à m’améliorer d’une certaine manière ? Pourquoi ?

(b) quelle est donc la difficulté que j’éprouve à exécuter cette décision ?

Ce sont là les principales questions : en voici d’autres secondaires :

© un échec occasionnel me décourage-t-il trop et me pousse-t-il au désespoir ?

(d) ai-je bien compris que la volonté ne peut se développer que par une éducation progressive et non par un miracle soudain ?

(e) suis-je réellement déterminé à vaincre ?

Faites attentivement cet examen de conscience. Il vous permettra de ne pas vous illusionner sur votre propre valeur et c’est là un des premiers pas vers la réalisation de votre personnalité.

VII. Comment réaliser

La réalisation, épanouissement du vouloir.

1. Nous avons repéré les diverses phases de l’acte volontaire : on éprouve de l’ intérêt, besoin ou désir : part du sentiment — on forme un projet : part de l’intelligence — on prend une décision, et voici la volonté proprement dite.

Mais la volonté reste frêle et précaire, si on ne l’organise pas en une forte discipline, et elle risque de demeurer velléitaire, si l’on ignore les moyens de l’action effective et féconde.

Il est encore vain de vouloir, si l’on ne sait pas réaliser.

Nécessité d’acquérir une discipline.

2. Nous avons signalé ci-dessus, à propos de la formation de bonnes habitudes (partie iii, § 8), la nécessité pour chacun de nous d’organiser son activité.

Cette organisation est d’abord négative, ensuite positive. Nous appelons organisation négative le fait qu’une vie bien réglée doit tendre à ne renfermer aucune place pour la dissipation ou même la dispersion.

Non que nous prétendions exclure toute fantaisie, mais celle-ci n’est admissible que dans certaines limites et à condition de ne pas nuire à l’orientation normale du travail.

Cette organisation négative est une sorte de cadre isolant notre activité de tout ce qui pourrait la dévoyer.

Exemples. — j’ai orienté ma carrière dans tel sens. Je ne m’en départirai pas. je pourrai infléchir ma route vers une direction ou une autre, selon les circonstances, mais mon but principal ne sera jamais oublié ni méconnu.

Sa pensée sera pour moi comme la boussole du navigateur, qui en tous les cas lui montre où est le Nord.

J’aurai un ou plusieurs buts secondaires.

Mais ils ne devront, sous aucun prétexte, contredire mon but essentiel. Il faudra même, autant que possible, qu’ils y contribuent.

C’est ainsi que la culture générale de la personnalité, quoiqu’elle doive être entreprise et poursuivie indépendamment de l’adaptation à la profession, doit parfaire notre efficience professionnelle.

Voici maintenant l’organisation positive.

Ce sera l’utilisation de notre temps, disposé en vue du meilleur rendement.

Prenez deux feuilles de papier.

Sur l’une, énumérez l’essentiel de vos obligations quotidiennes, avec l’indication des heures les plus favorables : ce sera la feuille de route pour l’homme idéal que vous aspirez à devenir.

Sur l’autre, dressez sincèrement le bilan de ce que vous faites, en réalité, chaque jour ce sera la feuille de l’homme que vous êtes.

Sans vous accabler du contraste entre ces deux horaires, l’un fictif, mais très souhaitable, l’autre authentique, mais trop réel, prenez le parti de faire passer, pendant chacune des semaines qui vont venir d’ici deux mois, quelque progrès pratique de la feuille 1 sur la feuille 2.

Gardez-vous surtout de prétendre à trop de progrès en même temps. Incorporez-en un ou deux chaque jour, à votre façon d’agir, et vous pourrez être fier de vous-même.

Il n’y a rien de plus dans l’acquisition d’une discipline, chose tout à fait indispensable, bien que le mot qui la désigne nous épouvante et nous répugne.

Oubliez le mot, mais observez le précepte, et vous vous en trouverez bien.

Non seulement l’existence n’en sera pas pour vous plus pénible, mais elle vous procurera beaucoup plus de satisfactions ; autrement dit, vous serez plus heureux.

Vous pourrez encore vous rendre cet hommage, que vous êtes l’artisan de votre progrès.

Velléité ou volonté ?

3. Quand votre emploi du temps quotidien est vraiment conçu selon les buts, proches ou lointains, que vous visez, vous risquez beaucoup moins de défaillir.

Même si, comme tant de personnes, vous êtes sujet à des alternances d’enthousiasme et de dépression, vos mauvais jours ne vous jetteront pas aussi bas que naguère : la régularisation du travail entraîne une certaine régularisation, de l’humeur.

En organisant votre temps, vous avez adopté des habitudes d’efficience qui ne vous trahiront pas.

Rien ne vous empêche désormais d’exécuter. Celui qui se désintéresse de la réalisation de ses desseins n’a pas vraiment voulu.

Si vous voulez, vous exigez l’objet ou le but que vous avez visé. Mais il faut apprendre à exécuter, comme vous avez appris à vouloir.

C’est à vous faciliter cet apprentissage que tendront nos derniers conseils.

Les questions pratiques.

4. Les questions pratiques ne sont pas de ces problèmes que résout la réflexion scientifique, une fois pour toutes ; ce sont des difficultés que l’on tranche ou que l’on surmonte par l’action.

L’intelligence y joue un grand rôle, mais non pas le seul rôle.

L’étude de la question, préalable au déclenchement de l’activité, peut et doit se faire avec le concours des spécialistes, plus aptes que le premier venu à nous indiquer les solutions conformes à nos intérêts.

S’agit-il de défendre votre santé contre les maladies ? vous recourez à un médecin.

De sortir sans trop de dommage d’un procès ou d’une difficulté juridique, fiscale, administrative vous prenez avis d’un juriste, d’un expert.

Voulez vous entretenir en bon état des bâtiments ? vous consultez un architecte.

Cherchez-vous à discerner dans quelle voie vous dirigeriez utilement vos enfants ? un orienteur professionnel est prêt à vous conseiller.

Utilisez les ressources que ces techniciens mettent à votre disposition, mais ne croyez pas que vous soyez dispensé de réfléchir par vous-même.

Personne n’est aussi compétent que vous pour établir quel régime convient à votre santé, quel plaidoyer doit être présenté devant un tribunal.

Renseignez-vous, mais à vous de décider.

Personne ne saurait vouloir pour vous ; si d’ailleurs c’était possible, ce serait le plus souvent désastreux pour vos intérêts.

Prendre parti.

5. N’ayez pas trop peur de vous tromper. il est impossible de concilier les avantages des deux solutions contraires entre lesquelles, sans doute, vous hésitez.

Mais choisissez-la moins onéreuse, celle qui charge le moins l’avenir.

Sachez bien que vous encourez certains risques, mais n’appréhendez pas à l’excès ce saut dans l’inconnu.

Toujours l’action vous engage ; qui ne risque rien n’a rien.

Une fois votre choix décidé, n’encombrez jamais votre esprit de craintes ni de regrets.

Que vous ayez bien ou mal agi, vous ne sauriez revenir en arrière ; mais sans aucun doute, si vous vous laissez accabler, vous empirerez la situation dans laquelle vous voici placé.

Dites-vous au contraire que la plus pénible expérience vous doit un enseignement précieux.

Refusez d’avoir peiné sans résultat. Tournez à bien, si l’on peut dire, de quelque façon, votre mésaventure.

Il y a des gens qui ont beaucoup plus bénéficié d’un échec que d’une fortune passable.

Pas de solutions définitives, mais pas de solutions verbales.

6. Rares sont les solutions pratiques d’un caractère définitif.

Le plus souvent une mesure provisoire, ou une entente par compromis temporaire, est plus sage, et laisse ouvertes des possibilités d’avenir.

Une cote mal taillée vaut mieux, souvent, qu’un procès gagné.

N’ayez pas trop d’illusion sur les solutions de droit ; la législation, la jurisprudence donnent à la malveillance tant de ressources qu’on n’est vraiment protégé que par sa lucidité de jugement et par son courage dans la décision.

Nous ne nions pas qu’un texte de loi n’ait sa valeur, mais nous constatons que dans tous les milieux un contrat ne reste respecté que s’il a été et demeure consenti par les contractants.

Si vous voyez loin, si vous aimez à promouvoir vos intérêts, ne vous souciez pas moins de l’opinion des gens avec qui vous traitez, que de la formule d’accord.

Ceux qui font triompher leurs desseins, sont ceux qui savent comprendre et manier autrui.

Méfiez-vous des solutions qui ne vous donnent satisfaction que verbalement et ne vous apportent aucun résultat tangible. Les choses sont malaisées à transformer, mais il est facile d’abuser des mots, leur sens étant fort élastique.

Combien de gens habiles se servent du langage pour cacher la réalité !

Les solutions satisfaisantes, vous les reconnaîtrez à l’équilibre qu’elles introduiront, pour quelque temps au moins, dans votre personnalité ainsi que dans vos intérêts.

Vous les reconnaîtrez aussi aux facilités qu’elles vous donneront pour pousser plus loin vos réussites.

Les moyens de faire aboutir vos projets.

7. Mais comment, direz-vous, faire aboutir mes projets ?

(a) pensez-y sans cesse, non avec la lourde obsession d’une hantise accablante, mais avec l’allégresse d’un espoir, avec la foi dans le succès. Que toutes vos idées, toutes vos actions tendent à ce but et vous en rapprochent.

(b) acquérez une à une les conditions de leur réalisation. Imitez la stratégie qui fait tomber une place forte : on intercepte ses voies d’approvisionnement, on l’encercle, on la tient enfin sous son feu. elle tombe comme un fruit mûr. engrenez votre action dans le rythme des choses ou des événements : le temps alors travaillera pour vous.

© disposez l’emploi de votre activité selon les buts que vous visez.

Les deux tiers, par exemple, en vue des fins les plus proches ; un tiers pour la préparation de vos ambitions les plus lointaines.

C’est une grave erreur que d’ajourner… Aux calendes grecques l’effort vers nos buts éloignés, comme s’il fallait d’abord se borner à l’acquisition des plus proches ; car c’est selon nos visées les plus décisives que nous attaquons les problèmes du jour ou du lendemain.

Perdre de vue ses fins dernières, nous mettrait dans la situation d’un navigateur privé de boussole.

Ne vous étonnez pas si vos buts changent d’aspect.

8. Avez-vous jamais fait des courses en montagne ? vous vous serez aperçu que l’endroit pris pour terme de votre promenade change à mesure que vous vous en rapprochez.

Souvent il paraît moins pittoresque de près que de loin ; par contre, s’il s’agit d’un point élevé, la vue s’étend de là plus que partout ailleurs.

De même, la perspective sous laquelle nous apparaissent nos buts varie le long de leur poursuite ; plus d’un homme s’écrie, en arrivant au terme de son effort : ce n’est pas cela que j’ai voulu !

Une telle impression est inévitable, ne fût-ce que parce que nous-mêmes avons profondément évolué au cours de notre carrière. S’il en était autrement, l’expérience ne nous apprendrait rien ; or elle a infiniment à nous enseigner.

“une belle vie, c’est une pensée de jeunesse réalisée dans l’âge mûr.”

Votre ambition foncière doit être restée la même, mais vous devez avoir beaucoup appris et révisé maintes fois vos jugements, vos opinions, vos directives.

Brûlez vos vaisseaux !

9. Ce long effort, à travers périls et difficultés, requiert une tenace persévérance l’homme déterminé à vaincre s’assure contre ses propres défaillances.

Après avoir nettement aperçu la solution désirable et choisi soigneusement les moyens à employer, il refuse d’admettre qu’il puisse être vaincu ; délibérément il s’engage assez pour qu’il lui soit impossible de reculer.

On appelle cela “couper les ponts derrière soi, ou ‘ brûler ses vaisseaux’.

Cela vous rend généralement invincible, parce que vous êtes dans l’obligation absolue de vaincre.

Extirpez-en vous toute hésitation, toute faiblesse par un tel moyen.

Vous pourrez en concevoir une légitime fierté, même si vous échouez ; mais il y a tout à parier que vous n’échouerez pas, pourvu que votre lucidité d’esprit et votre force de caractère soient égales : à votre détermination.

On fait sa chance.

10. La réussite ne dépend pas entièrement de nous.

On peut avoir cent fois mérité le succès et trouver la déconvenue, l’échec, car parfois, des facteurs indépendants de notre action et imprévisibles risquent de nous contrecarrer.

N’empêche qu’un succès en suscite un autre, et que la fortune, quoique fantaisiste, favorise le plus souvent celui qui s’est aidé lui-même.

Un dirait qu’il la séduit et qu’elle se plaît à lui faire hommage de ses dons.

PAS DE DÉFAILLANCES !

Personne n’a autant cru à son étoile que tel ou tel de ceux qui savaient le mieux créer leur destin.

05 La concentration de l’esprit
03 Les connaissances et les sens
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