07 Imagination et originalité

Ordre et méthode :
les principes de coordination mentale

05 La concentration de l’esprit
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À L’ÉTUDIANT :

Qu’avez-vous appris jusqu’ici ?

1° à observer choses et gens : vous n’êtes plus de « ceux qui ont des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre. Vos sens, tous vos sens, sont pour vous des instruments — pratiques ;

2 ° à retenir vos souvenirs : vous n’êtes plus obligé chaque jour de réapprendre ce que vous avez oublié la veille ; vous savez soutenir l’une par l’autre vos différentes mémoires visuelle, auditive, motrice ;

3 ° à concentrer votre attention : vous n’êtes plus distrait, vous pouvez appliquer avec suite votre esprit à un sujet pour en explorer les divers aspects ;

4 ° à fixer votre volonté sur un but précis et à utiliser l’autosuggestion pour diminuer votre fatigue.

Vous voilà donc pourvu de matériaux, c’est-à-dire d’informations ; et vous voilà outillé pour l’utilisation de ces matériaux.

Il y a une grammaire des pensées comme il y a une grammaire des mots. On peut penser de travers comme on peut parler mal.

Nous vous apprendrons, dans cette leçon, à penser correctement, c’est-à-dire à ordonner et à organiser vos idées.

Étudiez cette leçon avec le plus grand soin : vous ne pouvez pas agir sur les autres si vous ne savez pas penser et parler clairement et avec précision.

 

LEÇON VI

I. L’association spontanée des souvenirs et des idées

Mettez de l’ordre dans votre esprit.

1. Indépendamment de tout effort volontaire pour organiser avec méthode nos souvenirs et nos idées, il s’établit entre les uns et les autres un ordre naturel et spontané. Cet ordre, nous le verrons, est insuffisant pour l’action sûre, pour la pensée juste. Mais il faut cependant savoir en quoi il consiste, ne fût-ce que pour l’améliorer.

Voici d’abord un exemple matériel : soit une maison de commerce, soit une étude d’avoué où le courrier reçu s’entasse sans classement.

Le jour où il s’agira de consulter le dossier de m. X., une formidable manipulation de paperasses deviendra nécessaire. on ne retrouvera les pièces cherchées que si tel employé, tel clerc se rappelle que l’affaire X. est venue avant l’affaire O. et après l’affaire M. ; ou bien que le dossier fut inséré dans une chemise verte, alors que beaucoup d’autres le sont dans des chemises jaunes.

Il y a là un rudiment d’ordre, mais tout fortuit. Par hasard, telle affaire s’est intercalée, autrefois, entre celle-ci et celle-là ; par hasard, le réceptionnaire, ayant sous la main quelques chemises vertes, les a utilisées au petit bonheur.

I1 en va de même dans notre esprit, si nous n’intervenons pas pour classer nos idées.

Un souvenir ne nous revient, si nous parvenons à évoquer celui qui l’a précédé ou qui l’a suivi, que par simple contiguïté. Ou bien un souvenir nous revient, parce qu’il ressemble à telle idée qui nous occupe à présent.

Le fil de vos pensées.

2. Votre conscience assiste au déroulement du fil de vos pensées, comme le flâneur accoudé au parapet d’un quai contemple le cours de l’eau. Dans cette succession perpétuelle d’états de conscience, certains passent et fuient sans retour ; d’autres, en des tourbillons et des remous, se maintiennent ou reviennent sous votre regard.

Si vous vous abandonniez à l’association des idées par contiguïté, votre passé reviendrait par grandes tranches ; seule entrerait en jeu la mémoire.

Si l’association des idées par ressemblance opérait seule, vous passeriez d’idées analogues à idées analogues, découvrant des similarités jusqu’alors non remarquées ; vous inventeriez par imagination créatrice.

Ces deux courants d’associations des images et des idées s’entrecroisent sans cesse en vous et cela augmente encore l’incertitude de votre pensée. Celle-ci s’en va ainsi n’importe où, ballottée comme un bouchon par les vagues.

Rêve et rêverie.

3. De là provient l’absurdité fréquente du rêve pendant le sommeil et de la rêverie à l’état de veille. votre conscience a vu passer les plus fantastiques images : l’éléphant du jardin des plantes venait saluer votre horloger qui lui vendait des cartes à jouer pour le roi charles vi ; soudain, a paru un désert où des nègres blancs installaient un bar automatique.

En examinant de près chacune de ces images, il vous serait possible d’en discerner l’origine et de comprendre les causes de cette superposition de figures baroques et de scènes hétéroclites. Mais elle s’est faite sans action de votre volonté, sans contrôle de votre raison. Aussi votre pensée n’a-t-elle été qu’un chaos.

La pensée au hasard dans la vie courante.

4. L’existence normale de l’homme éveillé et de bon sens n’est certes pas incohérente à ce point. pourtant, elle est traversée de distractions, de hors-d’œuvre intempestifs.

En lisant un roman, vous avez rencontré le mot « assurance », qui vous a rappelé la nécessité d’envoyer votre prime avant qu’il ne soit trop tard. Cet envoi fait, le goût des romans vous a ramené à votre livre, et pendant une demi-heure vous avez suivi le héros et l’héroïne à travers épreuves et tribulations jusqu’au mariage. Alors, une interruption s’est produite.

La visite d’un ami et ses ardentes convictions politiques ont remplacé votre monde de fictions par un infondé de fait où vous vous êtes jeté corps et âme pendant dix minutes. Au moment des adieux, à la porte d’entrée, vous vous êtes rappelé que la sonnerie ne fonctionnait plus, et l’avez réparée, une fois seul.

Toutes vos pensées ont formé une chaine d’associations avec plusieurs interruptions : l’une subie et inévitable, la visite de votre ami ; d’autres que vous auriez pu éviter si vous l’aviez voulu ; par exemple, vous auriez pu lire le mot « assurance » et penser à votre versement sans l’effectuer pour cela.

En évitant les occasions d’interruption, vous vous seriez assuré une plus forte concentration d’esprit. Ainsi, vous auriez réfléchi avec plus d’intensité sur la thèse du roman, si vous aviez décidé de n’ouvrir votre porte à personne, sous le prétexte que vous étiez occupé.

Le vagabondage des pensées.

5. Même un esprit qui vagabonde pense selon les lois de l’association des idées.

Thomas Bernard, jeune homme de 23 ans, cherchait à employer sa soirée. Pendant dix minutes, il eut des pensées qui peuvent être représentées par les mots suivants :

Ambigu, Georges, mademoiselle Tournier, mode, Fémina, Richard, Amérique du Sud, patagons, dangers de la réclame, rue Du Cherche-Midi.

Il commença par se demander quelle était la meilleure place qu’il pouvait se payer à l’ambigu ; puis si Georges, son ami, pourrait l’y accompagner ; de Georges, il passa à la fiancée de celui-ci, mademoiselle Tournier ; de celle-ci à la mode du jour qui lui rappela le journal Férnina qu’il avait vu chez sa sœur ; et comme ce nom ressemblait à celui de la maison où il travaille, il se mit à penser tout naturellement au personnel, surtout à Richard, qui avait forcé le coffre-fort, et s’était enfui en Amérique du Sud.

Ce pays le fit songer aux patagons que l’on dit être hauts de deux mètres et plus, et il se demanda si vraiment l’on pouvait accroître la taille d’un homme, comme l’affirmaient certaines annonces.

Ici, il s’arrêta pour méditer sur le caractère fallacieux de la réclame et sur la manière horrible dont elle fait tache dans de beaux paysages. Il était en train de penser à quitter la rue du cherche-midi pour élire domicile dans un plus joli quartier, lorsque georges parut soudain.

Inconvénient de la pensée sans ordre

6. Ce chaos de la pensée, qui est inévitable si nous ne faisons pas effort pour réfléchir avec méthode, peut-être ne soupçonnez-vous pas quels préjudices il nous cause.

Au lieu de penser pour tirer au clair une situation, pour apercevoir l’issue d’une difficulté, pour préciser un plan d’avenir, nous pensons à vide et perdons notre temps.

Au lieu d’aboutir à un résultat, au lieu de fixer un point désormais acquis, rien n’est jamais commencé fermement, rien ne se termine jamais.

Au lieu de distinguer le vrai du faux, nous demeurons dans le vague, dans une équivoque pire même que l’erreur. N’importe quoi se peut imaginer, n’importe quoi se peut dire. Mais, dans ces conditions, rien ne se fait.

Voilà pourquoi, si souvent, les rêveurs sont des paresseux et inversement. Voilà pourquoi aussi les distraits deviennent incapables d’action.

C’est un grand malheur pour un homme de n’avoir pas un esprit ordonné. Au nombre des inconvénients les plus graves qui en résultent, il faut citer :

Une grande difficulté à retenir ce que l’on apprend ; l’oubli rapide de ce que l’on a appris ; le désordre dans les idées et leur expression ; l’impossibilité de fournir un travail productif venant à bout de questions difficiles ; l’impossibilité d’arriver à des solutions heureuses, élégantes, complètes ; une grande tendance à raisonner faux ; la fatigue et le surmenage intellectuels ; une désharmonie de l’esprit, contraire à l’équilibre et au bonheur ; une infériorité à l’égard d’amis ou de rivaux plus méthodiques.

II. L’enchainement méthodique des idées

Bienfaits de la pensée ordonnée.

1. Par opposition à des êtres devenus veules et lâches, qui ne furent d’abord que des négligents, des indolents, voyez comment procèdent ceux qui tirent parti de leur pensée.

Voici un ingénieur qui organise une usine. De même qu’il recueille les sous-produits de la fabrication, il se garde bien de laisser inemployée en lui aucune force. le temps pendant lequel il se repose de l’étude personnelle de son affaire, il l’utilise à donner des ordres, à dicter du courrier, à surveiller le travail.

Voici un agent de publicité : au lieu de songer distraitement aux façons de répandre un certain produit, il s’enquiert des méthodes en usage, soit en france, soit à l’étranger, il combine plusieurs de ces méthodes pour les adapter au cas pratique, et par là même très précis, qui l’occupe.

Ces hommes n’assistent pas en spectateurs passifs au cours de leurs idées. Ils recherchent des analogies pour composer des groupes nouveaux de faits jusqu’alors non coordonnés ; ils établissent des rapports, ils combinent des idées multiples autour de points centraux.

Ils ont peut-être moins d’idées que certains rêveurs, mais ils ont des idées pratiques ; ils ne sont ni paresseux, ni distraits, et leur réflexion leur « rapporte ».

C’est ainsi qu’on fait son chemin, qu’on se crée une situation ; de là vient la valeur d’un homme.

L’ordre est affaire d’entraînement.

2. Entrainez-vous à cette réflexion méthodique : vous y prendrez vite goût. elle fait l’intérêt de la science comme l’intérêt de la réalisation pratique.

Réfléchissez à cette question : « les conditions économiques ont-elles une influence sur le bonheur individuel ? »

Vous chercherez à rapprocher ces deux notions lointaines de conditions économiques et de bonheur, en tâchant de découvrir des rapports entre ces deux termes extrêmes.

Par exemple, vous vous demanderez quelles sont les causes générales du bonheur, quels sont les effets constatés des transformations économiques, en quel temps, en quels lieux on a cru distinguer une action véritable des conditions économiques sur le bonheur individuel ; vous vous livrerez ainsi au travail de la pensée que nous avons décrit plus haut.

Ou bien posez-vous ce problème : « comment perfectionner chez moi le service du courrier ? »

Vous tracerez les lignes générales du sujet ; vous chercherez de quoi se compose un courrier, avec quels services différents il a des rapports, avec lesquels il n’en a pas ; vous vous demanderez pourquoi des pertes de temps et des fuites sont possibles, où et comment se produisent des erreurs, par quels moyens on peut y remédier.

Vous étudierez quelles méthodes sont employées à l’étranger, ou bien dans des maisons analogues à la vôtre. Le travail de votre pensée, ici encore, est bien du genre de celui que nous décrivions.

Imaginez ce que vaudrait la plaidoirie d’un avocat qui, ayant à défendre un client inculpé de meurtre, négligerait de se renseigner sur les circonstances exactes du crime, se fierait pour une part aux déclarations de son client, pour une part aux révélations d’une concierge, enfin à de vagues intuitions qu’il ne contrôlerait même pas.

Il plaiderait au début les circonstances atténuantes, puis l’irresponsabilité, puis l’acquittement pur et simple ; négligerait de coordonner ses arguments, les présenterait pêle-mêle ou de façon contradictoire, et dédaignerait les règles les plus élémentaires de la progression oratoire.

L’inculpé serait condamné… Mais l’avocat aussi serait jugé !

Pensée spontanée et pensée logique.

3. Avant de vous exposer les principes de la coordination méthodique des idées, il importe que nous écartions une possibilité de méprise. Nous ne prétendons pas vous transformer en machine logique, en classeur automatique.

Il y a nécessairement, et il doit y avoir dans la vie, place pour la pensée spontanée, ne fût-ce qu’à ces moments de détente où la « distraction » est cherchée exprès, où l’on se repose, où l’on joue, où l’on dort.

Nous vous enseignons les règles du meilleur travail ; mais, certes, le plus travailleur ne travaille pas 24 heures par jour, de même qu’un comptable qui devient une sûre machine à calculer, ne calcule pas sans cesse.

Ce n’est point avoir la superstition de la logique que de vous montrer en elle la règle du raisonnement juste.

Au surplus, la pensée méthodique non seulement se superpose à la pensée spontanée, mais elle la « suppose ». Il faut que celle-ci nous fournisse idées et souvenirs, pour que celle-là ait des matériaux à organiser.

Il est donc bien entendu que nous ne faisons pas violence à votre esprit en vous indiquant, en vous prescrivant une pensée logique.

Le jugement.

4. Laisser les images apparaitre et disparaitre en vous-même, telles qu’elles se présentent, c’est rêvasser, non pas penser.

Penser, c’est juger, et juger, c’est comparer. Je puis comparer mes impressions ; alors je ne me contente plus de les éprouver, je les pense.

Je puis, avec mes impressions relatives à certaines choses, en faire, à l’usage de mon esprit, comme un résumé : ce sera une idée. Or, comparer les idées en vue de préciser leurs ressemblances ou leurs différences, c’est penser avec logique.

Si, dans ma rêverie, l’image d’une pivoine succède à l’image d’une rose, ce n’est pas juger. Mais je jugerai si je dis : cette rose est moins rouge que cette pivoine, et aussi quand je préciserai les traits caractéristiques de ces deux fleurs.

Ce que je penserai alors ne se réduira pas à énoncer des impressions personnelles ; je prétendrai reconnaitre la nature des choses. C’est ainsi qu’un jugement prétend affirmer une vérité valable pour tous s’il porte sur des idées, non sur de simples impressions.

Remarquez que nous voyons plus clair en nos difficultés, en nos réflexions, quand nous les avons transposées de l’ordre de nos impressions dans l’ordre des idées qui nous sont communes avec autrui.

Voilà pourquoi, tandis que la rêverie nous laisse dans le vague en nous plongeant dans notre fantaisie individuelle, la critique logique de nos idées leur donne de la rigueur et nous fait découvrir leurs défauts, aussi impartialement que si c’était autrui qui les apercevait.

Ajoutons que la pensée logique ne se borne pas à clarifier nos idées. Elle nous indique comment de leur agencement selon certaines combinaisons, peuvent résulter des conséquences utiles à connaitre.

On appelle cela raisonner. Le raisonnement compare des jugements, comme le jugement compare des idées.

Raisonner, c’est discuter avec nous-mêmes, décomposant et recomposant mentalement le sujet étudié. En ce sens le raisonnement précède le jugement et permet de le formuler en pleine clarté.

D’autre part, plusieurs jugements peuvent se combiner en un raisonnement. De ce biais le jugement apparaît comme une condition du raisonnement, opération plus complexe.

III. Les principes pelman de coordination mentale

1. Nous avons donc à analyser et à subdiviser ces deux groupes de rapports, afin que vous en puissiez tirer, par la suite, toutes les applications pratiques qu’ils comportent.

A. Rapports fondés sur l’association des idées.

1° Contiguïté, rapport qui s’établit entre deux états de conscience qui ont existé en même temps dans l’esprit à un moment ou à un autre : orléans et jeanne d’arc, vacances et campagne, place de la Concorde et Jules Durand (car Jules Durand est un ami que j’ai rencontré place de la Concorde), sont des termes unis par un rapport de contiguïté. De même tribunal et juge, montre et poche, banque et chèque, malade et remède.

2 ° Opposition ou contraste, rapport qui unit deux mots de sens radicalement opposés, comme dur et mou, sec et humide, géant et nain, clair et obscur, jour et nuit, fort et faible, paresseux et laborieux. Remarquons qu’il ne suffit pas que deux idées soient dissemblables pour être classées dans le groupe « contraste ».

Il faut qu’elles soient absolument contraires l’une à l’autre. Ainsi, bois et fer ne peuvent être classés sous la dénomination « contraste », car bien qu’ils ne se ressemblent point, ce ne sont pas deux antonymes, c’est-à-dire deux mots de sens radicalement opposés ; mais dur et mou sont un cas de contraste, puisqu’ils représentent deux extrêmes.

3 ° Ressemblance. Exemples de ressemblance de forme : cheval et mulet, sirène et femme, porte-plume et crayon. Conformément à ce principe, deux mots s’associent toutes les fois que ces mots, ou une de leurs parties, ont le même son.

Par exemple : paire et père offrent une parfaite similitude de son. Canne et canal constituent un autre exemple de cette loi. Remarquez que la similitude de son se présente soit dans le mot entier, soit dans des syllabes accentuées. En voici des exemples : pivert, vertu ; — brique, bride ; — seing, saint ; — rivage, sauvage ; — bruit, nuit.

Nota. — Les rapports de lieu (cheval et écurie), de temps (Révolution et 14 juillet), de signe à chose signifiée (drapeau blanc et armistice), de grandeur — ou bien ne relèvent que de l’association des idées dans la mesure où ils s’enchainent de telle façon dans tel esprit ; ou bien s’expliquent par des causes physiques, historiques, sociales, etc., et alors ils relèvent de la catégorie suivante, celle des rapports logiques.

B. Rapports fondés sur la raison et la logique.

2. 1° Rapports d’inhérence. — ils expriment, d’une manière générale, qu’une idée en comprend une autre, ou est comprise dans cette autre. exemples : beauté et harmonie, justice et égalité.

Les subdivisions du principe d’inhérence sont :

(a) Identité. — exemple : a est a. Un cheval est un cheval, non un bœuf ou un âne.

Ne croyez pas ce principe superflu.

Il ne nous arriverait pas si fréquemment de nous contredire, si nous avions toujours en vue qu’une chose, à un certain moment et envisagée sous un certain rapport, est uniquement ce qu’elle est, et qu’on n’a pas le droit de la confondre avec une réalité même très voisine ou analogue.

Remarquez que le rapport d’identité varie souvent avec le temps et le lieu, car les êtres et les choses se transforment. Pierre ne peut être à la fois brun et blanc ; mais il a pu être brun à 20 ans et il est blanc à 60.

(b) Synonymie. — dans ce cas, les deux mots représentent la même idée et ont presque la même signification : un mot peut être employé à la place de l’autre sans altérer beaucoup le sens de la phrase. Ainsi sont synonyme : pauvre et indigent ; — fréquemment et souvent ; — travail et labeur.

© Dénomination commune. — c’est celle qui convient à deux idées de même sorte ou de même espèce et qui peuvent toutes deux être considérées comme faisant partie d’un même genre. Exemples : chêne et orme (qui appartiennent au genre arbre) ;

Londres et paris (qui appartiennent au genre capital) ; — terrier et caniche (qui appartiennent à l’espèce chien).

(d) Inhérence constante des attributs typiques. — exemples : homme = animal rai-sonnable ; triangle = polygone à trois côtés.

(e) Inhérence fortuite des attributs accidentelles. — blancheur n’appartient qu’accidentellement à cheval, car il y a des chevaux de diverses couleurs. Autres exemples : table et bois ; — vêtement et coton.

(f) Implication de la partie dans le tout. — cette subdivision est facile à saisir, car elle comprend tous les cas dans lesquels une chose fait partie intégrante d’une autre.

Cheval et tête sont un exemple du tout et de la partie, le cheval étant le tout et la tête la partie. Autres exemples : homme, bras ; — lion, crinière ; — forêt, arbre.

(g) Totalisation ou complément, rapport qui unit deux idées qui se complètent mutuellement ou qui complètent un même ensemble intellectuel. Exemple : lois de

Képler et lois de Newton (dont l’ensemble constitue les lois de la gravitation) ; —

Locomotive et mécanicien ; — caramel et mou.

(h) Genre à espèce ou général à particulier. Rapport qui unit deux mots tels que le second soit une espèce, un cas particulier du premier. vertébré et poisson ; — fleur et bleuet ; — roi et louis xiv ; — guerre et guerre coloniale.

2 ° rapports de causalité et de finalité.

A) Rapport de cause à effet. Exemples : nuage, pluie ; vieillesse, affaiblissement ; échauffement de l’eau, ébullition ; armée, bataille ; artiste, tableau ; écrivain, livre.

B) Rapport entre un objet et son but, sa fonction, sa fin. Exemples : vin et boire ; poisson et nager, fourneau et chauffer. une variété de la relation de finalité consiste à mettre en rapport la fin avec le moyen qui permet de l’obtenir. exemples : ténacité, succès ; publicité, vente ; hygiène, santé.

3 ° Rapports d’appréciation. — L’appréciation donne lieu aux jugements de valeur, qui énoncent le prix plus ou moins grand d’une chose comparativement à une autre. Il s’agit ici d’un éloge ou d’un blâme, d’une préférence ou de l’énoncé d’une infériorité.

Exemple : plutôt la mort que la honte ; mieux vaut tenir que courir.

4 ° Modalités d’action. — Outre les rapports qui existent entre les choses, entre les idées, entre les valeurs, il faut faire place aux rapports qui résultent des modalités de nos actions. Il y a ainsi bien des façons d’utiliser, par exemple, un objet. après avoir envisagé les variétés de cadeaux, à quoi ils servent, d’où ils viennent, etc., on peut s’aviser par exemple de ceci : « la façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne ».

Penser suppose effort et méthode.

3. Il est très important — nous y insistons encore — de ne pas confondre ces rapports logiques, qui expriment la nature des choses avec les rapports, valables seulement pour nous-mêmes, changeants et subjectifs, de l’association des états de conscience.

Celle-ci permet de se souvenir et d’imaginer sans ordre et au hasard ; au contraire, la réflexion logique seule permet de penser, c’est-à-dire d’enchaîner les idées et les images selon un certain ordre.

Ainsi donc, penser suppose effort méthodique.

Si j’ai été témoin d’un incendie, il ne me faut aucun effort pour enchaîner, à partir de cette impression de feu, les souvenirs suivants : émoi, danger, pompiers, eau, extinction.

Si j’ai de l’imagination, il ne me faut aucune méthode pour enchaîner : feu, soleil, ciel, vulcain (dieu forgeron), vénus (épouse de vulcain), beauté, art, grèce, voyage, etc.

Mais il faut effort et méthode pour énoncer : « pas de fumée sans feu » ; ou : « il y a du feu sans fumée » ; exemple : l’éclair.

De l’idée d’incendie, on peut chercher les causes de cet incendie, ses conséquences, les moyens de le combattre.

Les manières de penser diffèrent autant que diffèrent les hommes. Pour concevoir « paire » ou « pair » après « père », il suffit d’un jeu de mots. Le mot « livre » suggère au commerçant le Doit et l’Avoir, au banquier le taux du change, au lettré un roman récent. L’oscillation d’une lampe d’église fit penser Galilée au mouvement de la terre.

Coordination et évocation des idées.

4. Maintenant que nous connaissons les rapports principaux qui unissent les idées, nous pouvons pratiquer avec fruit deux sortes d’opérations.

1° la première opération sera de coordonner des idées. Rien de plus utile, non seulement pour les mettre en ordre, mais aussi pour en découvrir de nouvelles.

Beaucoup de personnes ont l’imagination peu créatrice : leurs idées sont trop brèves, ou trop peu nombreuses ; ou bien elles n’en ont pas et ne peuvent en trouver malgré des efforts épuisants.

Qu’on se représente l’ennui d’un commerçant qui ne peut pas trouver les termes d’une lettre-circulaire à adresser à ses clients.

Qu’on se figure la situation d’un agent d’affaires qui n’arrive pas à inventer des procédés originaux pour faire connaître un produit dont on lui a confié le lancement.

Les conséquences effectives du manque d’imagination seront, pour ces deux hommes, considérables et fâcheuses.

Voici une bonne méthode pour trouver des idées nouvelles : partir d’une des idées centrales relatives au problème posé, puis rechercher toutes les idées qui ont avec elle des rapports de temps, de lieu, de causalité, etc.

On se trouve ainsi rapidement muni d’un ensemble d’idées entre lesquelles on n’a plus qu’à choisir celles qui se rapportent le mieux au problème donné en se servant de la liste complète des rapports pelman de coordination mentale.

Par exemple, qu’on se demande : ce produit que je lance a telle particularité ; pourquoi cette particularité est-elle intéressante ? (finalité) ; en quoi ressemble-t-elle à des particularités qu’on rencontre dans des produits analogues ? (ressemblance) ; en quoi en diffère-t-elle ? (contraste) ; quels sont les caractères permanents de cette particularité ?

(inhérence constante) ; à quoi sert-elle ? quels résultats peut-on en espérer ? (moyen à fin) ; de quelle manière peut-on l’utiliser ? (il s’agirait ici d’un rapport de manière ou de modalité), etc.

Même lorsqu’on a une imagination naturellement féconde, il est extrêmement utile de savoir coordonner ses idées, car une des grandes méthodes de recherche (comme nous le montrerons dans la Leçon VII) est la synthèse mentale, qui est une union ou une fusion d’idées primitivement séparées.

Dissociation des idées.

5. La seconde opération qu’on pourra faire, en se servant des rapports de coordination mentale, sera de dissocier les idées, de découvrir quelles idées constituantes contient une idée quelconque.

Soit l’idée théorique de noblesse : on pourra découvrir que, par rapport au temps, elle contient (au moins de façon implicite) l’idée de « récompense du mérite », puis celle de « naissance aristocratique », puis celle de « privilège » ; par rapport à la coordination de cause à effet, elle contient les idées de « sélection de la race » de « Révolution », etc. ; et ainsi de suite, en se plaçant au point de vue des autres rapports.

D’un point de vue pratique, dissociez, par exemple, l’idée de rendement. Demandez-vous par conséquent : « Dans mon usine : quand le rendement est-il supérieur ?

(temps) ; pourquoi y a-t-il (les instants de fléchissement ? (causalité) : où le rendement est-il meilleur que le mien ? (lieu). »

Vous trouverez, par cette méthode, que, dans votre usine à vous, rendement maximum correspondu à division du travail + coordination des services + augmentation (ou diminution) du personnel féminin +, etc… Ce qui représente une sorte d’équation, dont vous tirerez les conséquences qu’elle comporte.

Varions nos coordinations et nos dissociations d’idées.

6. Ces opérations doivent se faire de la façon la moins automatique possible : il faut donner à la pensée toute la souplesse qu’on peut.

C’est un fait que chaque esprit coordonne ou dissocie ses idées suivant certains rapports plutôt que suivant d’autres ; ainsi, telle personne pense plutôt par contrastes, telle autre par rapports logiques ; une troisième unit ses pensées avec la plus grande fantaisie.

Il faut se donner pour règle de penser indistinctement suivant tous ces types de rapports et s’appliquer, à titre d’exercice, à employer les sortes de coordination d’idées qui sont les moins conformes à notre type d’esprit.

Comment utiliser les rapports logiques.

7. Chacun pense avec tous ces rapports plus ou moins vite et plus ou moins cons-ciemment. Demandez-vous si vous les comprenez à fond et si vous les utilisez pratiquement.

Donc, voyez si vous savez manier ces rapports à votre gré.

Par exemple vous propose-t-on un changement de situation ?

A) analysez en ses éléments la situation que l’on vous vante ; b) confrontez, c’est-à-dire coordonnez ces éléments avec ceux de la situation que vous possédez ; c) évoquez l’idée de vos buts essentiels et examinez s’ils deviennent plus accessibles par la situation offerte que par la situation possédée.

Cherchez notamment s’il n’y a pas quelque incompatibilité entre ce qu’on vous propose et ce que vous êtes ou ce dont vous disposez. Cette incompatibilité apparaîtra sous forme de contradiction.

Ainsi s’agit-il de devenir représentant ? cette profession est contradictoire à vos possibilités, si vous êtes timide ou si vous péchez par l’élocution.

Cette énumération est conforme à l’ordre logique ; mais dans la pratique, les phénomènes extérieurs déterminent une réaction qui situe parfois l’évocation avant l’analyse, ou la dissociation avant la coordination.

Dans les circonstances ordinaires, il importe peu qu’on connaisse la définition et la formule scientifique de ces rapports. Il va de soi qu’on écrit avec un stylo sans penser au principe de causalité.

Il pourrait même être gênant de se demander au cours de l’activité ou de la conversation quels sont les principes de coordination mentale qu’on utilise. Ces opérations mentales se font naturellement et avec d’autant plus d’aisance.

Mais dans certains cas, où il est nécessaire d’approfondir une question, de comprendre certaines circonstances compliquées, de prendre des décisions de quelque importance, la connaissance de ces principes est non seulement utile, mais nécessaire.

On doit se demander alors :

1° si on en connaît le mécanisme exact ;

2 ° si on les applique tous et à bon escient ;

3 ° quels sont ceux qu’on délaisse ou qui ont besoin d’être rectifiés.

C’est alors que le raisonnement acquerra toute sa valeur réelle et que l’action sera fondée sur un jugement droit et complet.

IV. La classification, critériums et définitions

1. Juger, c’est déjà classer. l’ensemble de nos jugements — notre science ou notre expérience — équivaut à une vaste classification, plus ou moins approfondie, cohérente et originale, selon la force et l’envergure de notre esprit.

Le classement peut se rapporter à deux catégories :

1° aux objets et aux activités ;

2 ° aux idées.

Nos classements ont pour but l’utilité et la commodité dans le premier cas, »

L’acquisition de la connaissance et de la science dans le second.

Classement et profession.

2. Voici un serrurier qui se sert d’un certain nombre de forets placés dans une boite à côté de lui. quand il change d’instrument, il doit en retourner dix ou douze, peut-être, avant de pouvoir saisir celui dont il a besoin, gaspillant ainsi son temps et sa peine.

Quelqu’un lui suggère de classer les forets, de les étiqueter et de les fixer verticalement par rang de taille sur une planche perforée. Il le fait, et y gagne considérablement en vitesse et en précision, car les forets se dressent devant lui comme une série de tuyaux d’orgue, et il peut prendre celui dont il a besoin sans toucher aux autres.

La classification est tout aussi nécessaire dans l’atelier que dans le laboratoire du naturaliste.

Le petit porteur de journaux, comme le facteur, classe les adresses du public et organise sa tournée de façon à servir ses clients sans revenir sur ses pas.

De même, la gérante d’une bibliothèque de gare procède par classification : elle dispose ses revues et ses journaux de façon non seulement à attirer l’œil des passants, mais à pouvoir trouver sur-le-champ ce qu’on lui demande.

Une maison de commerce, une industrie est d’autant plus prospère que sont mieux coordonnés les différents services chargés des diverses opérations. Cela suppose non seulement de l’ordre matériel, mais un emploi du temps raisonné, ainsi qu’une excellente répartition du travail entre tous les collaborateurs, et une surveillance constante, du haut en bas de la part du chef.

La maîtresse de maison est, elle aussi, une « classificatrice ». Remarquez ceci : toutes les femmes, sans exception, de la plus modeste à la plus élégante, sont continuellement occupées.

Qu’on les interroge sur leur temps, sur l’emploi de leurs journées : toutes, elles ré-pondront : « qu’elles n’ont pas une minute à elles, que la vie les submerge ». Et le plus étonnant est qu’elles ont toutes raison.

L’activité des femmes d’intérieur est extrêmement complexe : une telle s’occupe elle-même de sa maison, de son ménage ; telle autre dispose d’un personnel varié ; il ne faut cependant pas croire que la tâche de la seconde soit toujours plus aisée que celle de la première ; la seconde doit organiser le travail de ses domestiques de la même façon que la première organise le sien.

Et, à la base de cette organisation, se trouvent des classifications :

Classification des travaux de ménage, de cuisine, de couture, de blanchissage ; à l’intérieur de chaque série, classifications secondaires (pour la couture, par exemple : travaux à faire exécuter à l’extérieur et travaux à faire chez soi ; travaux se rapportant au linge, aux vêtements, aux bas, au tricotage, etc.).

Toutes ces classifications, qu’il s’agisse du facteur, du journalier ou de la maîtresse de maison, sont établies dans un but d’utilité et de commodité.

Classement et connaissance.

3. Il ne suffit pas de classer les objets ou les activités ; il faut aussi classer les idées selon leurs rapports internes.

Par exemple, vous pouvez ranger vos livres sur des tablettes d’après leur grandeur ou leur format, la couleur de leurs reliures, leur prix ou leur rareté. Mais vous pouvez aussi les classer d’après leur sujet, la science générale ou spéciale dont ils traitent — c’est-à-dire d’après les idées qu’ils contiennent.

Si vous êtes médecin, vous classez votre clientèle : d’abord selon le quartier où habitent ceux que vous soignez ; puis selon la nature des maladies qui les affectent ; et peut-être suivant leur caractère : suivant la réaction qu’ils ont à l’égard de vos bons conseils.

Vous, qui êtes ingénieur, vous devez classer les problèmes qui se présentent à vous quotidiennement, vos connaissances théoriques et pratiques, les expériences que vous avez pu faire après quelques années de métier, les principes qui se sont dégagés pour vous du maniement des hommes et du contact avec la réalité.

Tous, nous devons classer dans notre esprit un nombre important de notions, dont nous n’avons pas l’emploi chaque jour, mais que nous tenons à garder en réserve pour les mettre en œuvre lorsqu’il le faudra.

Bref, nos classifications ne visent pas uniquement à la commodité ou à la vérité : elles visent aux deux ensemble ; elles ont pour but à la fois d’être commodes et d’être, autant que possible, vraies.

Classez vos expériences et vos idées.

4. Organisez, d’après un plan, toutes vos connaissances nouvelles, mais ne les entassez pas pêle-mêle dans votre esprit.

Je suppose, par exemple, que vous parcouriez un journal populaire et que vous y lisiez qu’un certain cambrioleur a écrit un livre, tandis qu’il accomplissait ses années de travaux forcés : vous dites-vous simplement, et sans plus y penser :

« ce doit être un cambrioleur d’une espèce rare » ; ou rattachez-vous immédiatement le fait, par une association qui semble s’imposer, à l’idée de quelques livres fameux écrits en prison ? Si vous le faites, c’est que vous savez faire travailler vos facultés selon les principes de coordination mentale, pour classer vos connaissances à mesure que vous les acquérez. Si vous ne le faites pas, vous oublierez la moitié de ce que vous lisez, parce que les associations en seront plus faibles. Vous apprendrez aussi avec plus de difficulté, et les idées nouvelles seront plus lentes à venir.

Donc apprenez à classer les faits dont vous vous occupez chaque jour et qui constituent votre expérience.

Au début, vous procéderez de façon gauche et maladroite, mais vous conserverez cependant de plus fortes impressions des faits que vous aurez observés ; et lorsque, quelques jours après, vous lirez un entrefilet concernant les puits de pétrole de

Roumanie, ou l’érection d’une nouvelle école d’agriculture, ou le dernier achat d’un raphaël, vous vous rappellerez instantanément vos impressions antérieures, et vous classerez ainsi la connaissance nouvellement acquise.

Vous l’unifierez également, par assimilation à la connaissance du même ordre que vous possédiez déjà. Et c’est cela qu’on appelle comprendre.

Conditions d’une bonne classification.

5. 1° rôle de l’intérêt. — demandons à un professeur et à un officier une classification des timbres-poste émis en France, établie d’après leurs couleurs.

Demandons le même travail à un collectionneur de timbres. Son travail sera le meilleur des trois. Pourquoi ?

Parce qu’il sera plus habitué que les deux autres personnages ? évidemment, car l’habitude est un auxiliaire précieux ; mais, surtout, parce qu’étant philatéliste il s’intéressera, de tout son cœur et de tout son esprit, à une occupation qui rebutera les autres.

Nous retrouvons, ici encore, une application de la loi d’intérêt dont nous avons parlé dans nos leçons précédentes.

2 ° rôle de l’observation et de l’attention. — L’attention ou la concentration d’esprit et le talent d’observation sont indispensables à quiconque veut établir une bonne classification.

Il faut se dresser à distinguer les détails, à constater des ressemblances et des différences, à les sérier selon le but qu’on poursuit.

Classer par exemple les timbres d’après leur couleur n’est qu’établir un classement insuffisant ; le philatéliste distingue des nuances, des variétés de tirages et de plus série les timbres de même nuance d’après leur pays d’origine, la date d’émission, le nombre des dentelures.

De ce point de vue, la philatélie devient un excellent exercice de classification.

3 ° rôle de l’habitude. — Demandons à un promeneur, à un jardinier et à un botaniste de classer les fleurs qu’ils rencontreront.

Le promeneur sera bien embarrassé ; il manquera d’expérience, c’est-à-dire d’habitude.

Le jardinier, au contraire, ou le botaniste, nous répondront avec aisance. C’est qu’ils ont l’habitude des classifications.

Cependant leurs réponses ne seront pas les mêmes : le jardinier, s’il ignore la botanique, classera les fleurs d’après leur forme ou leur couleur ; le botaniste les classera d’après des caractères moins apparents, mais plus scientifiques.

Comment se fait-il que les classifications faites par deux sortes d’habitués ou d’experts soient différentes ?

Cela tient à l’emploi de moyens de reconnaissance appelés critériums.

Choix et emploi des critériums.

6. Nous appelons critérium le fait ou l’idée qu’on choisit comme plus caractéristique.

On peut classer des chiens d’après la forme de la tête, ou la longueur des pattes, ou la couleur du pelage ; on peut vouloir trouver aussi des caractères plus significatifs et plus profonds, par exemple d’ordre anatomique. Une classification peut s’établir d’après un ou plusieurs éléments caractéristiques ; le choix du ou des critériums est souvent très délicat.

Il y a des cas où ce choix s’impose à vous. Ce sera, pour le commerçant désireux de classer certaines catégories de produits : la qualité, ou le bon marché, ou la belle présentation.

Pour les choses importantes de la vie, chacun de nous a ses critériums, d’après lesquels, parfois inconsciemment, il classe ses expériences.

Tel chef de maison, au tempérament actif, volontaire, plein d’initiative, classera ses employés selon qu’ils posséderont ou non les qualités qu’il aime.

Le prêtre à qui l’on parlera littérature ou beaux-arts classera les œuvres, non d’après leur beauté, mais d’après leur valeur morale, leur action édifiante.

Dans les cas où des critériums de ce genre ne s’imposent pas à nous, il faut en découvrir en analysant l’objet avec soin et en le comparant à d’autres auxquels il qui lui serviront dans les circonstances importantes de la vie. Il y a des questions sur lesquelles on n’a pas eu le temps ou l’occasion de se former un avis motivé : il y a des sujets sur lesquels on se trouve forcé, au hasard d’une conversation, de donner son avis.

Si l’on s’est constitué les critériums appropriés, on évitera l’ennui de rester indécis, ou de dire une absurdité, ou de prononcer un jugement hâtif qui pourrait contredire l’opinion véritable que nous aurions sur le sujet pour peu que nous ayons le temps d’y réfléchir de façon réellement sérieuse.

Recherchez l’excellent.

7. Notez toutefois que les critériums changent constamment. le critérium social, le critérium financier, le critérium éducatif et bien d’autres évoluent lentement. ne nous étonnons pas de constater ces variations.

Demandez-vous : quel est le critérium de maintenant, non pas pour une seule chose, mais pour tout ce qui me concerne ?

Ne craignez pas de soumettre de temps en temps vos critériums à votre critique et de les modifier selon l’accroissement de vos connaissances et l’amplitude de vos expériences : en un mot, recherchez toujours l’excellent.

Classement et définition.

8. De même qu’on pense mal ou à faux sans logique, on classe mal ou à faux si on se sert pour critériums d’indices superficiels ou d’éléments incomplets.

Pour bien classer, il faut savoir distinguer le trait caractéristique qui manifeste l’essence de la chose à connaître et à classer, c’est-à-dire en fournir la définition.

Seules des définitions exactes permettent une classification bien faite, à la fois vraie et commode.

La définition doit convenir à tous les objets qu’elle définit, et ne convenir à aucun autre.

C’est ainsi qu’une définition du blanc serait mauvaise si elle ne s’appliquait pas à tous les types de race blanche, ou si elle s’appliquait aussi à des individus de race noire.

Les sciences naturelles parviennent à des définitions rigoureuses en indiquant ce qui différencie l’espèce envisagée au sein du genre immédiatement plus vaste.

Ainsi le cheval se définit en tant que distinct du zèbre et de l’âne, à l’intérieur du genre

“équidé” qui les comprend tous trois.

La classification consiste, non seulement à juxtaposer des idées ou des objets, mais à les situer selon les rapports déterminés par les définitions de ces idées et de ces objets, autrement dit elle les rattache les uns aux autres.

Habituez-vous donc à établir des classifications raisonnées.

à quoi se reconnaît un esprit bien formé.

9. La marque d’un esprit bien formé, c’est :

A) son aptitude à classer l’expérience et à interpréter les cas individuels ; b) sa connaissance des meilleurs critériums.

On engage donc le lecteur à mieux ordonner sa pensée. Cette opération est toujours très instructive ; la comparaison d’une expérience avec une autre semblable, se produisant dans des circonstances différentes, jette une vive lumière sur des aspects de la réalité que ne faisait pas remarquer la simple classification.

Comprendre, c’est interpréter des sujets nouveaux à la lumière de connaissance que nous possédions déjà.

Voilà pourquoi, dans la leçon précédente, nous avons considéré l’attention comme une attente, par l’esprit, d’événements nouveaux devant ressembler à ceux que l’on connaît.

Rappelons que ressemblance n’est pas nécessairement ni toujours identité ; un cheval blanc et un cheval gris se ressemblent, mais ne sont pas identiques. Il en est de même dans le domaine des idées.

Il ne faut donc pas oublier que tous les cadres dans lesquels nous rangeons nos connaissances ne sont que des dispositifs provisoires ; utiles pour un temps, ils ne sont pas définitifs.

Ainsi la critique littéraire du xviie siècle avait, pour juger la prose et la poésie, ses règles qui ne furent pas celles du xixe ; au siècle actuel, les règles critiques ont évolué encore davantage, non seulement en littérature mais dans tous les arts.

De même, de nos jours, les lois de newton se trouvent sinon supprimées, du moins modifiées et complétées par les découvertes d’Einstein.

Ainsi se font les progrès de la science : par des approximations croissantes de la réalité.

Donc, tout en classant vos expériences, rappelez-vous toujours que l’expérience déborde la classification… Vous ne pouvez enfermer la vie dans un système unique et définitif.

L’inconnu se dresse partout devant nous. Si vous ne pouvez pas vous-même atteindre la vérité, documentez-vous auprès des compétences, mais apprenez aussi à vous instruire par votre expérience et à vous servir de votre raison.

Expérience et raison.

10. classez vos expériences. nous vous l’avons dit ci-dessus.

Pour ce faire, rattachez les menus faits de la vie à des principes généraux. Cherchez des fils directeurs. distinguez des catégories. découvrez des rapports.

Ayez prise sur les expériences au lieu de vous laisser noyer et submerger par elles.

Surtout tirez profit des échecs, des petites mésaventures quotidiennes.

Appliquez à ces observations toute votre attention et toute votre perspicacité.

En procédant de la sorte, vous acquerrez des notions utilement assimilables sur des sujets de vie pratique et d’expérience quotidienne.

S’il s’agit simplement d’apprendre, d’emmagasiner des idées théoriques ou des notions toutes faites, veillez à les acquérir autrement que pêle-mêle ; qu’un ordre rigoureux et une discipline intellectuelle stricte président chez vous à toute acquisition d’un savoir nouveau.

Ce conseil est très important pour ceux qui préparent des examens et des concours.

Mieux vaut faire agir la logique que la mémoire pure.

2 ° Quand vous acquérez une connaissance, ne la laissez pas vaguer dans votre conscience. Dans le domaine psychologique, non moins qu’ailleurs, c’est l’union qui fait la force. donc rattachez les notions nouvelles à un “ensemble” intellectuel.

Si, par exemple, vous lisez un détail nouveau sur les variations du change, combinez-le (en apportant les corrections nécessaires) à ce que vous savez déjà sur le change.

Après quoi, réorganisez vos connaissances sur le sujet en vous servant de la notion récemment acquise.

En règle générale, arrangez-vous de manière que vos expériences mêmes, vos études, vos nouvelles acquisitions intellectuelles, vous servent à vous former une opinion sur le sujet dont il s’agit. Rendez-vous compte que, souvent, votre opinion est provisoire, qu’elle est toujours à réviser, et ne vous contentez pas d’être un répertoire de connaissances sans vie.

3 ° Un travail de ce genre vous sera grandement facilité si vous prenez soin de ménager dans votre esprit un certain nombre de “tiroirs”, c’est-à-dire de subdivisions où vous classerez, ici vos idées religieuses, là vos conceptions politiques, ailleurs vos notions sur la vie, et (pour entrer dans le détail) ici vos idées sur le régime gouvernemental, là vos pensées au sujet de la société, ailleurs vos impressions sur les différents hommes d’État.

Quand toute idée nouvelle se trouve rangée dans son “tiroir”, en rapport avec les idées voisines, il y a beaucoup de chances pour qu’elle reste à sa place. Bien entendu chacun de nous a ses tiroirs et il ne saurait être question d’imposer à tout le monde les mêmes cadres intellectuels.

Le plus facile est, pour chacun, de réfléchir aux grands tiroirs constitutifs de son esprit (religion, philosophie, politique, pratique, morale, etc.), puis d’établir des subdivisions.

C’est aussi grâce au système des tiroirs qu’on peut apprendre et savoir en même temps plusieurs langues étrangères sans les confondre.

4 ° Faites de temps en temps “l’inventaire” de vos différents tiroirs.

Comme médecin, demandez-vous si vous êtes bien au courant des procédés nouveaux de guérison du cancer ou de la tuberculose.

Comme ingénieur des mines, n’avez-vous pas oublié l’optique et l’électricité ?

Comme artiste, n’êtes-vous pas “encroûté” dans certaines directions traditionnelles et n’avez-vous pas perdu la souplesse nécessaire à l’intelligence des formes d’art nouvelles qui, dans deux cents ans, seront à leur tour “classiques ” ?

Comme homme d’affaires, êtes-vous vraiment au courant des conditions actuelles de la production et du marché, à l’intérieur de la France et à l’extérieur ?

5 ° Ne conservez jamais dans votre esprit une idée que vous n’avez pas bien comprise.

Un marchand accepterait-il en magasin une livraison sans la peser ? faites comme le marchand : pesez l’idée nouvelle, examinez-la avec soin : “repensez-la” par vos propres moyens.

6 ° Faites-vous des résumés, des plans, des schémas ; employez tous les moyens connus pour simplifier le travail de votre esprit.

Une telle méthode n’est pas du tout une marque de paresse, car elle vous force, d’abord, à un effort utile d’analyse et de synthèse. Nous reviendrons sur ce point, et nous vous donnerons d’utiles indications techniques dans notre Leçon 10.

7 ° Enfin, n’oubliez pas les conditions énoncées plus haut de toute bonne classification ; donc :

Intéressez-vous à classer vos idées,

Habituez-vous à le faire,

Usez des meilleurs critériums.

Usez des définitions les meilleures.

L’intuition.

11. C’est, comme on l’a dit dans la leçon v, une combinaison très rapide de l’expérience et du raisonnement, qui détermine un jugement presque instantané.

Il semblerait qu’une personne douée d’intuition arrive à découvrir la vérité par des moyens qui ne sont ni le raisonnement, ni l’analyse, ni l’étude patiente d’un problème, et qui touchent plutôt au sentiment et presque à la divination.

Avoir de l’intuition, c’est être doué d’une sorte de pouvoir de toucher directement le fond des choses sans avoir à user des méthodes intellectuelles ordinaires.

Pourtant le raisonnement joue dans l’intuition un rôle essentiel : s’il passe inaperçu c’est qu’il est très rapide et se fonde sur des expériences subconscientes, elles aussi évoquées avec une extrême rapidité.

L’intuition est, de nos jours, très à la mode, du fait d’un mouvement philosophique où une très large place lui est faite (1).

Bornons-nous à deux remarques :

1° chacun a intérêt à développer en lui ce pouvoir intuitif, dont l’utilité est grande dans la vie courante, surtout dans les questions qui touchent au sentiment et à l’action.

2 ° ne nous abandonnons pas trop vite aux “révélations” de l’intuition. Prenons soin de la cantonner dans le domaine qui est le sien. et en tout cas soumettons les jugements de valeur qu’elle nous suggère au contrôle de la raison.

Il arrive que le premier contact avec une personne suggère une intuition qui se traduit par la confiance ou la méfiance ; et que l’expérience ultérieure prouve que l’intuition qu’on a eue à propos de cette personne est fausse ; il faut alors avoir le courage et l’honnêteté de rectifier l’opinion première. (1) henri bergson. Principaux ouvrages : essai sur les données immédiates de la conscience ; matière et mémoire ; le rire ; l’evolution créatrice.

V. Conseils pratiques pour acquérir plus de méthode

Douze bons conseils.

1° Entraînez-vous à la méthode intellectuelle par l’ordre matériel : rangez vos documents, vos fiches, vos vêtements ; sachez la place chez vous des principaux objets d’utilité courante. Vous y gagnerez du temps, de la précision dans les gestes et les idées, de la sécurité morale, puisque vous serez certain de ne pas faire de gestes inutiles ;

2° Ayez un but précis. Sachez où vous allez. ne dispersez pas vos efforts. établissez un plan de travail et même de vie à réaliser par étapes successives. ce plan doit être, à la fois, assez vaste pour vous occuper sans cesse, et assez réduit pour éviter le surmenage ;

3° Ayez un emploi du temps réglé et détaillé. Soumettez-vous à un ensemble d’habi-tudes régulières. Contrôlez tous les soirs ce que vous avez fait dans votre journée et établissez par écrit le programme du lendemain. Vous évitez ainsi les fausses manœuvres et la perte de temps d’une « mise en train » ;

4° Organisez vos heures de travail (et même de loisir) d’après le principe suivant : « à chaque chose son temps, tout son temps, rien que son temps ». Ne brouillez pas vos occupations ; perdez l’habitude de commencer plusieurs choses à la fois sans en achever aucune.

Si les affaires qui vous occupent exigent que vous passiez très vite d’un sujet à un autre, entraînez-vous à fixer, pendant le délai très court que vous lui réservez, votre attention complète sur chaque sujet. Si vous êtes dérangé, notez mentalement ou sur un bloc-notes l’endroit précis où vous vous êtes arrêté. en vous remettant au travail, faites une rapide révision mentale du dernier point étudié.

Peu à peu, d’ailleurs, on se dresse à suivre, dans le subconscient, le travail en train et à ne pas être gêné par les interruptions (visites inattendues, ordre urgent à donner, machine à voir, travail à contrôler, téléphone) ;

5° Dans la mesure du possible, ne laissez jamais un travail inachevé, mais aboutissez.

S’il s’agit d’un travail complexe et de longue haleine, divisez-le en plusieurs parties.

Dans chaque séance vous devez mener à bonne fin au moins une partie déterminée de la tâche à exécuter ;

6 ° Ne remettez jamais à demain ce que vous pouvez faire aujourd’hui. Une besogne qui vous ennuie aujourd’hui vous sera odieuse demain. Beaucoup d’hommes d’affaires nous ont avoué qu’autrefois ils laissaient « traîner » leur correspondance, ce qui avait pour eux de nombreux inconvénients. Le remède à cet état de choses fut la résolution qu’ils prirent de répondre à toute lettre reçue aussitôt qu’elle leur parvenait ;

7 ° Quand vous vous trouvez en présence d’un problème à résoudre, formulez-le enfin examinez-le dans toute son étendue, en en considérant attentivement tous les éléments ; n’en laissez aucun dans l’ombre ;

8 ° Évoquez alors ce que vous savez sur le sujet. Faites appel à votre expérience, à vos connaissances précises, à ce que vous avez lu ;

9 ° Puis posez-vous toutes sortes de questions sur ce problème. En vous servant des principes pelman de coordination mentale, découvrez des idées liées au problème par les rapports les plus divers. Notez-les et répartissez-les en tableau, afin de discerner si vous n’en oubliez pas.

Plus tard vous laisserez également libre cours à votre imagination, en vous aidant des directives que vous trouverez dans les leçons vii et ix. Votre intuition peut aussi vous aider, comme d’ailleurs les ressources diverses de votre esprit. des questions différentes sont justiciables de méthodes différentes : à vous de découvrir lesquelles vous réussissent le mieux ;

10 ° Passez alors à la critique de vos propres idées : soumettez-vous à l’examen sévère de votre raison, de votre bon sens, de votre logique. Faites comme si vos idées étaient non pas les vôtres, mais celles d’un inconnu. supposez qu’elles soient soumises à la critique d’un commerçant, d’un ingénieur, d’un avocat, de ceux de vos amis dont vous appréciez le jugement. mettez au point, adaptez, précisez. la leçon iii vous indiquera la bonne voie ;

11 ° Ayez un carnet spécial pour noter toutes les idées neuves que vous suggèrent vos expériences et vos conversations relativement à la conduite, la réforme et l’extension de votre affaire ou de votre service. Vous les utiliserez ensuite et les mettrez en pratique lors des possibilités. notez de même les ordres importants que vous avez donnés et les résultats de leur exécution, ainsi que les décisions qui ont été prises par vous ou d’autres. Ce contrôle des instructions vous permettra de savoir toujours où en est exactement la marche de votre affaire.

12 ° Enfin, rappelez-vous ces règles de méthode qui sont dues à descartes et dont la valeur reste entière :

(a) Ne vous fiez qu’à celles de vos idées qui sont parfaitement claires. Évitez le trouble et l’obscur ;

(b) Sachez décomposer les questions complexes en questions simples ;

© Quand vous travaillez une question, allez toujours du connu à l’inconnu, du simple au compliqué ;

(d) Enfin habituez-vous à exprimer vos jugements — même mentalement — en ter-mes clairs, précis, bien appropriés. Ayez des vues d’ensemble sur les problèmes à résoudre.

Comment diriger.

2. C’est une question que nous posent de nombreux étudiants qui s’imaginent qu’il s’agit d’un don personnel, alors que ce n’est au fond qu’une technique et une méthode.

Diriger n’est pas seulement donner des ordres ; il ne faut pas confondre diriger et commander. La qualité fondamentale de celui qui dirige est une personnalité riche et souple ; il doit connaître à fond son métier ou sa profession, de façon à pouvoir non seulement critiquer, mais rectifier et même « mettre la main à la pâte » pour montrer aux subordonnés comment les ordres doivent être exécutés. Cette connaissance du métier lui évitera d’ordonner des impossibilités.

Une autre qualité, tout aussi nécessaire, est une exacte évaluation des qualités à la fois morales, intellectuelles et professionnelles des subordonnés ; on doit varier la forme de l’ordre avec les individus, car ceux-ci aussi possèdent leur personnalité, qu’il s’agit de ne pas heurter, mais de se rendre favorable.

Ainsi s’obtient un esprit d’usine, qui facilite le travail à tous, y compris le directeur.

L’affaire sera alors une machine bien huilée, qui fonctionnera sans à-coups ni ratés.

Bref : supériorité intellectuelle, méthode de travail parfaite, jugement net et pondéré, maîtrise de soi, sympathie humaine, telles sont les qualités d’un bon directeur.

Dans la pratique, il y a deux manières de diriger une maison : du dedans et du dehors.

Le premier système était partout en usage autrefois : la plupart des chefs de maison l’avaient fondée eux-mêmes et tenaient à en connaître les moindres rouages, à surveiller le moindre travail et à être les seuls à prendre des décisions, donner des ordres, imaginer et adopter des réformes.

De nos jours, à l’exemple de carnegie, on préfère souvent l’autre système, qui consiste à se considérer par rapport à l’usine ou à la maison qu’on dirige comme un « homme de l’extérieur ».

Les détails d’exécution sont distribués entre les employés ; ceux-ci en supportent la responsabilité, et le chef ne contrôle que les résultats. Il garde mieux ainsi une vue précise et claire des défauts à éliminer, des réformes à instituer, car il n’est plus assommé par la multiplicité des détails.

Les deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients, selon la nature de l’affaire et la personnalité des dirigeants et des employés. Étudiez votre propre affaire sous ces deux aspects opposés et voyez par vous-même quel système correspond le mieux à vos intérêts et à ceux de votre affaire.

Douze questions importantes.

3. Demandez-vous :

1° Si vous savez pousser jusqu’au bout vos idées et les exécuter, non pas à moitié ou aux deux tiers, mais totalement ;

2 ° Si vous faites votre tâche à votre goût ou selon les besoins de votre chef ;

3 ° Si, dans la discussion d’une affaire, vous comprenez vraiment les arguments ou les besoins de votre interlocuteur, au lieu de rester figé dans vos propres conceptions ; 4 ° si vous n’évitez pas de résoudre les problèmes qui vous paraissent simples, uniquement parce qu’ils vous paraissent tels ;

5 ° Si, ayant terminé, ou fait terminer, un travail, vous en tirez tout le parti possible ; 6 ° si, étant chargé d’une tâche, vous n’en exagérez pas mentalement les difficultés, afin d’excuser ainsi par avance votre paresse ;

7 ° Si vous acceptez les contrôles et les observations « sportivement », c’est-à-dire en vue du bien de votre « équipe » ;

8 ° Si vous connaissez bien le rythme de votre travail personnel, c’est-à-dire la durée exacte de votre pouvoir de concentration et de votre résistance à la fatigue ;

9 ° Si vous avancez dans votre besogne régulièrement ou par à-coups ;

10 ° Si, dans votre usine, votre magasin, vos bureaux, vous pourriez économiser des allées et venues, de la manutention — bref, si vous savez combiner le travail et l’espace ; 11 ° Si, sous prétexte de réorganisation ou de réforme, vous ne troublez pas le cours méthodique et judicieux de votre affaire, oubliant le proverbe : « le mieux est quelque fois l’ennemi du bien ; »

12 ° Si vous n’êtes l’esclave, ni de la routine, ni de la manie du nouveau, mais le maître de votre jugement et de vos décisions.

VI. Application des principes pelman à la culture de

La mémoire

La mémoire d’une « série ».

1. Lisez attentivement une seule fois les quinze mots qui suivent et voyez combien vous pouvez en écrire, de mémoire, dans l’ordre donné :

Ville, lentille

Ile continent

Kodak verre

Chat homme

Fenêtre afrique

Fourrure maison

Photographe animal chaleur

Sans doute ne retiendrez-vous pas du premier coup la liste entière ; vous vous sou-viendrez peut-être de trois mots successifs au commencement de la liste, puis de deux autres à la fin, mais vous serez incapable de reconstituer la série complète. Pourquoi ?

Parce qu’il n’y a, entre les quinze mots en question, qu’une liaison fortuite, tenant à une expérience personnelle seule de son espèce.

Pensant à ma ville natale, située dans une ile, je me remémore qu’avec mon kodak j’y ai photographié un chat blotti dans l’embrasure d’une fenêtre qui s’ouvrait entre une maison de fourreur et un atelier de photographe, etc… Comme vous n’avez pas vous-même vécu cette expérience, il vous est très difficile de vous rappeler les mots dans cet ordre.

Chacun possède ainsi des séries personnelles d’associations qui ne sont intelligibles aux autres qu’avec un commentaire.

Mais cherchez entre ces mots un sens logique, valable pour quiconque, en appliquant les principes de coordination mentale ; construisez, par exemple, la liste suivante : ville animal

Maison chat

Fenêtre fourrure

Verre chaleur

Lentille Afrique

Kodak continent

Photographe ile homme

Dans la nouvelle série, chaque idée a un rapport évident avec l’idée qui la précède immédiatement et celle qui la suit. Ainsi, ville est le tout, maison la partie ; même rapport entre maison et fenêtre ; la fenêtre est en verre, mais celui-ci peut aussi se travailler en lentille, etc.

Or, vous constaterez sans peine qu’après une seule lecture (peut-être deux), il vous sera facile de reproduire de mémoire, et sans faire de fautes, la liste complète. Retenez donc de cette expérience que la mémoire conserve plus facilement les éléments groupés selon un ordre logique.

Le classement en « série ».

2. Pour vous rendre compte si vous avez compris la vraie nature des lois d’association des idées et des principes de coordination logique, cherchez quels sont les rapports qui unissent deux à deux les termes des deux séries données ci-dessus.

Vous constaterez que dans la première, les termes étaient réunis par simple contiguïté des souvenirs, sauf que par similarité l’idée de chaleur fait penser à la combustion que produit la lumière concentrée dans une lentille de cristal, etc…

Dans la seconde, nous l’avons vu, le rapport entre ville et maison, celui de maison à fenêtre, sont des relations entre tout et partie.

Le rapport de fenêtre à verre est un rapport d’objet à attribut constant ; alors que le rapport entre fenêtre et vitrail marque un caractère accidentel. Il est en effet essentiel à une fenêtre d’être munie de carreaux de verre, mais non d’être formée ou ornée de vitraux.

Attachez-vous à définir de même les rapports des autres mots avec autant de précision que possible.

Quand vous aurez achevé ce travail, sans relire la série des quinze mots, essayez de l’écrire à l’envers, en commençant par le mot ile, et en finissant par le mot ville. Vous avez de grandes chances d’y réussir sans hésitation.

La répétition d’une « série ».

3. En vous répétant ensuite cette série ou une série semblable de mots associés, habituez-vous à ne dire que les mots de la série, sans prendre la peine de répéter en même temps les rapports de coordination entre les idées, ni même d’y penser.

Ces rapports n’ont ici qu’un but : vous aider à établir l’association convenable d’un mot à l’autre ; quand cette association vous est devenue familière, vous n’avez plus besoin d’évoquer consciemment ces rapports. Vous pouvez alors répéter la série sans vous soucier de la classification.

Ne cherchez jamais à apprendre une « série » de mots associés par la simple et patiente répétition des mots, mais toujours par l’enchaînement des idées.

La traduction d’une « série ».

4. Si vous connaissez une langue étrangère, vous verrez que vous pouvez traduire dans cette langue la série de la « Ville », donnée ci-dessous, et la répéter du commencement à la fin, ou de la fin au commencement, aussi aisément que dans votre langue maternelle. Cet exercice est d’une grande utilité pour tous ceux qui étudient les langues étrangères.

Étudiez maintenant la série suivante de cent mots (continuation de la série de la « Ville » en examinant quels rapports de coordination (chapitre III) les unissent deux à deux. Ainsi, Ile et eau sont liés par le rapport de contiguïté ; eau et boire par celui de causalité ; boire et manger par celui d’opposition, etc.

Il vous sera facile de répéter ensuite sans faute les cent mots dans le sens direct et à rebours. Quand on a bien saisi les rapports, les mots de la série peuvent être traduits et retenus dans toutes les langues.

Ile acier coudre mine rot

Eau cuirassé vêtement carrière couronne

Boire canon paletot pierre or

Manger obus manche monument argent

Déjeuner explosion bras grand fortune

Matin blessure main petit luxe

Nuit chirurgien doigt enfant autos

Sommeil médecin bague fille roues

Lit médecine mariage tablier rondes

Moelleux quinine église gracieux terre

Dur amer orgue délicat soleil

Damant doux musique fragile cadran solaire

Saphir agréable chant soin horloge

Bleu vacances paroles négligent temps

Vert voyage mots paresseux espace

Feuille bateau livre punir large

Plante voile auteur fouet

Jardin toile plume verge

Oiseau coton encre aiguillon

Aigle fil noire abeille

Fort aiguille charbon reine

Quand vous aurez appris cette liste, il vous sera facile d’en constituer de nouvelles, que vous retiendrez avec la même aisance.

Il est évident qu’il n’y a presque aucune limite au nombre de mots qu’on peut apprendre de cette manière, parce que l’esprit n’a à s’occuper que de deux idées à la fois.

En construisant une série personnelle, l’étudiant verra qu’il se souvient aussi aisément de mille mots que de vingt, s’il peut, en les prenant deux à deux, les classer d’après nos principes de coordination mentale, et s’il compare soigneusement chaque couple avant d’en prendre une autre.

L’établissement d’une “série”.

5. Lorsque vous établissez une série, veillez à ce que chaque mot ajouté ait un rapport plus étroit avec le mot précédent, qu’avec tout autre placé avant lui dans la série.

Ainsi, dans la série de “l’île ”, il ne serait pas sage d’écrire “île, eau, boisson, liquide”, car bien qu’il y ait un rapport entre “liquide” et “boisson”, il y en a un plus étroit et plus évident encore entre “liquide” et “eau”.

Si vous écriviez “eau, boisson, liquide”, cela voudrait dire qu’en arrivant au mot “liquide”, vous n’aviez pas réussi à chasser de votre esprit l’idée “d’eau” : votre attention était encore fixée plus fortement sur “eau” que sur “boisson”.

La “série” et la dispersion de l’esprit.

6. La répétition régulière et journalière d’une telle série, d’un bout à l’autre et à rebours, tendra, si l’on persévère, à faire disparaître la dispersion d’esprit aussi longtemps que la répétition demandera l’intervention de la pensée et ne sera pas devenue machinale. On ne devra jamais, dans aucune circonstance, répéter une série, en tout ou partie, quand la répétition est devenue automatique et a cessé de requérir la pensée consciente.

La clef de trois mille mots anglais.

7. Les rapports pelman de coordination mentale permettent d’apprendre des listes entières de mots qui rebuteraient les mémoires les plus fidèles. Il suffit de classer ces mots d’après les rapports qui existent entre eux.

Voici un moyen de retenir plus de trois mille mots anglais. Ces mots se présentent avec vingt-deux terminaisons différentes, qui s’écrivent en anglais exactement comme en en français, parce qu’elles dérivent toutes d’une origine commune, le plus souvent latine, mais ne se prononcent pas toujours de la même manière.

Arrangeons en une série, conformément aux rapports pelman de coordination mentale, vingt et un mots-types choisis de telle manière que tous aient une terminaison différente. Ceci nous permettra de retenir la liste des vingt et une terminaisons de trois mille mots anglais qui s’épellent comme les mots français.

Able Abominable ace Disgrâce cle Obstacle ade Barricade al Illégal ance Résistance

Ant Constant ence Patience ent Impatient ge Rage ible Répréhensible ice Avarice et Strict ine Discipline ion Légion tude Multitude gue Démagogue ule Ridicule ture Caricature ile Hostile et Pamphlet

Le souvenir des faits isolés.

8. Le fait que les états de conscience ne vivent pas sans rapports les uns avec les autres permet de se remémorer des souvenirs dont on sait qu’ils existent dans la mémoire, mais que l’on ne parvient pas à évoquer au moment où on en a besoin.

Tout le monde a éprouvé cela : nous ressentons la désagréable impression d’une lacune dans nos souvenirs : nous savons que tel jour, en tel endroit, à telle heure, tel ami nous a raconté une histoire amusante. Or, nous ne pouvons nous souvenir de cette histoire.

Mais essayons de nous rappeler les états de conscience et les faits qui ont précédé le récit de notre ami ; cherchons à qui nous pensions pendant qu’il parlait ; tâchons de revoir le visage des assistants, l’expression qu’on y pouvait lire.

Il serait bien étonnant que nous n’arrivions pas à faire surgir dans notre esprit assez d’éléments en rapport avec l’histoire comique dont nous nous sommes amusés, pour que l’un de ces éléments ne rappelle pas une phrase, un mot, une intonation qui, en déclenchant en nous une série de souvenirs latents, fera se dérouler l’histoire complète que nous cherchions.

Donc, mettons en pratique cette méthode générale : pour évoquer un souvenir oublié, rétablissons la trame (les souvenirs de tout ordre auxquels il était lié ; plus nous dis-poserons d’éléments nombreux, en rapport avec le souvenir en question, plus facile sera la remémoration du souvenir perdu.

Réflexions d’une actrice sur la mémoire.

9. À ce propos, il est intéressant de rapporter ce que dit Mrs Kendall, la célèbre actrice anglaise, sur la manière dont les acteurs et les actrices se rappellent leurs rôles : “la mémoire, dit-elle, comme toutes les autres facultés, peut être cultivée jusqu’à un certain point. La pratique fait des merveilles.

Si vous n’avez pas joué un rôle depuis des années, il vous suffira de le relire trois ou quatre fois seulement pour vous en souvenir. De combien de moyens ne disposons-nous pas pour aider notre mémoire sur la scène !

Nous avons ce qui est appelé le ‘ business’ de la scène. Le fait que vous devez faire certaines choses vous remémore une certaine ligne. souvent, quand vous entrez dans votre maison et que vous vous asseyez à la même place et devant la même table, la mémoire du passé vous revient.

C’est la même chose sur la scène. Un peu de ‘ business’ ramène un discours et le souvenir d’un discours rappelle un peu de ‘ business’ ; l’un aide l’autre.

Cependant, quoiqu’une mémoire exceptionnelle ne soit pas absolument nécessaire, c’est une aide considérable.

Le plus extraordinaire cas de mémoire que je me rappelle personnellement, c’est celui du vieux M. Buckstone, qui avait l’habitude, aux répétitions, d’entrer en scène en lisant son rôle et sans en connaître un mot ; mais le soir, les vêtements, la situation et tout le reste, ramenaient les phrases en sa mémoire.

Je parle ici de la répétition d’un vieux rôle. Le fait de mettre les habits, de se préparer à jouer la pièce, et d’en parler un peu, lui rappelait tout.’

La localisation des souvenirs.

10. C’est aussi grâce au fait que nos souvenirs sont coordonnés dans l’esprit que nous arrivons à en localiser un grand nombre.

Localiser un souvenir c’est lui donner sa place dans l’espace et le temps ; c’est se dire, par exemple : cette représentation à laquelle j’ai assisté, où l’on donnait telle pièce, où ont joué tels artistes, a eu lieu le 22 juin 1925 (temps), au théâtre des variétés (lieu).

Il est d’observation courante que beaucoup de nos souvenirs ne portent pas de date ni d’indication de lieu ; nous nous rappelons avoir vu cette jeune femme, dont nous croyons qu’elle était ‘ mannequin’ chez un grand couturier ; mais où l’avons-nous vue ?

À quelle date ? nous ne savons pas.

Or, si nous évoquions le plus de souvenirs possibles en rapport avec ceux que nous avons présents à la mémoire, nous découvririons par exemple que cette jeune femme était accompagnée d’un jeune homme habillé en ‘ Débardeur de Gavarni ’.

Or, ce souvenir-là porte une date ; il est, pour nous, situé dans le temps. Nous savons que nous n’avons pu voir un ‘ débardeur de gavarni ’ qu’au bal organisé à l’opéra, en 1925, le jour de la mi-carême, et au profit des étudiants.

Grâce aux éléments en liaison avec le souvenir primitif, nous sommes devenus capables de le localiser.

L’association des mémoires.

11. Il est une dernière forme de l’association dont on peut tirer un parti utile pour perfectionner sa mémoire. nous avons expliqué ce fait que nous n’avons pas, en réalité, une mémoire, mais des mémoires ; un tel est mieux doué pour la mémoire visuelle (il se souviendra mieux des objets qu’il a vus), tel autre pour la mémoire auditive (il se souviendra mieux de ce qu’il a entendu).

Nous pouvons avoir d’un même fait plusieurs souvenirs d’ordres différents.

Pour donner un exemple connu, citons le pianiste qui joue une sonate de beethoven ; il pourra se la rappeler grâce à trois séries de souvenirs :

1 Une série de souvenirs visuels (les notes lues sur la musique) ;
2 Une série de souvenirs auditifs (les sons qu’il a perçus) ;
3 Une série de souvenirs moteurs (les mécanismes enregistrés dans les articulations de ses doigts).

Certains pianistes, lorsqu’ils jouent une sonate ‘ par cœur’, font appel non pas aux trois séries de souvenirs, mais à une seule : les uns sont des ‘ visuels’, d’autres des ‘ auditifs’, d’autres enfin des ‘ moteurs’.

Mais il est évident qu’en associant les trois séries de souvenirs, le pianiste multiplie ses chances de se rappeler le morceau (on trouvera des détails plus complets sur ce mécanisme dans la leçon xi).

De même, on a tout avantage, dans tous les cas de la vie, à emporter d’un même fait des souvenirs d’ordre différent et associés.

Lorsqu’on voit un ami, se rappeler par exemple :

1° son aspect général, son costume, la couleur de ses yeux (souvenirs visuels) ;
2 ° le son de sa voix (souvenirs auditifs) ;
3 ° le contactent de sa poignée de main (souvenir tactile).

Une forme spéciale d’association : la mnémotechnie.

12. On appelle moyens mnémotechniques ou mnémoniques un ensemble de procédés mécaniques destinés à aider le travail de la mémoire, en substituant aux souvenirs qu’on a du mal à se rappeler un système de souvenirs faciles à fixer, à conserver et à évoquer. On associe, en somme, deux séries de souvenirs, la deuxième série étant constituée de termes eux-mêmes associés par des liens solides.

Il est par exemple très difficile de se rappeler les valeurs successives approchées du nombre qui mesure le rapport de la longueur de la circonférence au diamètre.

Une de ces valeurs approchées est 3,1415926535, nombre très compliqué. Il suffit de se réciter le vers suivant : ‘ que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !’

En comptant les lettres de chaque mot pour se rappeler toute la série des chiffres.

On peut citer d’autres exemples, qui montrent les avantages qu’on peut tirer de la mnémotechnie.

Les lettres p, a, d, sont les initiales des trois membranes enveloppant le cerveau et la moelle épinière, de l’intérieur à l’extérieur, p. : pie-mère, a : arachnoïde, d : dure-mère.

Il est bien plus facile de se rappeler le mot pad que la liste des trois membranes.

Il existe douze paires de nerfs appelés nerfs crâniens : les premières sont les nerfs olfactifs, les nerfs optiques, les nerfs moteurs oculaires communs, les nerfs pathétiques, les nerfs trijumeaux, etc. On se rappelle aisément la série en utilisant la phrase suivante : ‘ oh oui ! mon paletot, tu m’as fait assez grelotter pendant six grands hivers’, où la première lettre de chaque mot donne la lettre initiale du nom de chaque paire de nerfs.

On apprend généralement plus vite les vers que la prose, et cela est dû, surtout, à l’association de la rime et du rythme. Pour cette raison, les vers peuvent aider, parfois, à se souvenir plus facilement de certains faits.

Bien des lycéens ne retiennent l’énoncé du théorème de Pythagore qu’à l’aide du quatrain suivant : ‘ le carré de l’hypoténuse est égal, si je ne m’abuse, à la somme des deux carrés Construits sur les autres côtés.’

L’histoire et la géographie sont peut-être celles des matières d’enseignement qui font le plus souvent appel à la mémoire pure. Aussi les formules mnémotechniques y sont elles légion.

S’agit-il des départements et de leur chef-lieu ?

On apprend des choses dans le goût suivant :

Ah ! race (Arras) d’avocats, pour vous pas de cas laids (Pas-De-Calais).

L’allié. (Allier) d’un meunier doit moudre à son moulin (Moulins).

L’aube (Aube) les a vus deux, le crépuscule trois (Troyes), etc.

De tels exemples montrent par leur absurdité qu’il existe des limites de la mnémotechnie. On ne doit l’employer qu’à titre exceptionnel et lorsqu’il n’existe pas de moyens qui puissent la remplacer.

Pour la géographie, par exemple, il vaut mieux dessiner des cartes, même schématiques, afin d’utiliser la mémoire visuelle.

Les inconvénients de la mnémotechnie sont nombreux : elle est artificielle ; elle est automatique ; elle ne perfectionne pas les facultés intellectuelles ; elle charge la mémoire d’un grand nombre de formules absurdes.

PAS DE DÉFAILLANCES

On doit lui préférer le développement rationnel des facultés de mémorisation par la technique qu’enseigne le système pelman, ne l’employer que dans des cas d’extrême nécessité, et se souvenir que, dans la grande majorité des cas, la simple application des Principes PELMAN de Coordination mentale la remplace de la façon la plus heureuse.

07 Imagination et originalité
05 La concentration de l’esprit
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