Les cadres de l’argumentation

L'accord

2.2.- Choix des éléments
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Les prémisses

P 87 : « Notre analyse de l’argumentation concernera d’abord ce qui est admis comme point de  départ de raisonnements et ensuite la manière dont ceux-ci se développent, grâce à un ensemble  de procédés de liaison et de dissociation. Cette division, indispensable pour l’exposé, ne doit pas  être mal comprise. En effet, le déroulement aussi bien que le point de départ de l’argumentation  supposent accord de l’auditoire. Cet accord porte tantôt sur le contenu de prémisses explicites,  tantôt sur les liaisons particulières utilisées, tantôt sur la façon de se servir de ces liaisons : d’un  bout à l’autre, l’analyse de l’argumentation concerne ce qui est censé admis par les auditeurs. D’autre part, le choix même des prémisses et leur formulation, avec les aménagements qu’ils  comportent, ne sont que rarement exempts de valeur argumentative : il s’agit d’une préparation au  raisonnement qui plus qu’une mise en place des éléments, constitue déjà un premier pas dans leur  utilisation persuasive. »

P 87-88 : « L’orateur, en utilisant les prémisses qui serviront de fondement à sa construction, table  sur l’adhésion de ses auditeurs aux propositions de départ, mais ceux-ci peuvent la lui refuser, soit  parce qu’ils n’adhèrent pas à ce que l’orateur leur présente comme acquis, soit parce qu’ils  perçoivent le caractère unilatéral du choix des prémisses, soit parce qu’ils sont heurtés par le  caractère tendancieux de leur présentation. C’est en raison de ce que la critique d’un même énoncé  peut se porter sur trois plans différents que notre analyse des prémisses comportera trois  chapitres, consacrés successivement à l’accord concernant les prémisses à leur choix et à leur  présentation. »

P 88 : « Nous traiterons pour commencer de la matière des accords pouvant servir de prémisses. Notre examen ne tendra évidemment pas à établir l’inventaire de tout ce qui est susceptible de  constituer objet de croyance ou d’adhésion : nous nous demanderons quels sont les types d’objets  d’accord qui jouent un rôle différent dans le processus argumentatif. Nous croyons qu’il sera utile,  à ce point de vue, de grouper ces objets en deux catégories, l’une relative au réel, qui comporterait  les faits, les vérités et les présomptions, l’autre relative au préférable, qui contiendrait les valeurs,  les hiérarchies et les lieux du préférable.

La conception que l’on se fait du réel peut, dans de larges limites, varier selon les vues  philosophiques que l’on professe. Cependant tout ce qui, dans l’argumentation, est censé porter sur  le réel, se caractérise par une prétention de validité pour l’auditoire universel. Par contre ce qui  porte sur le préférable, ce qui détermine nos choix et qui n’est pas conforme à une réalité  préexistante, sera lié à un point de vue déterminé que l’on ne peut identifier qu’avec celui d’un  auditoire particulier, aussi vaste soit-il.

On pourrait aisément contester le bien-fondé d’un classement en types d’objets d’accord, tel que  nous le proposerons, mais nous croyons difficile de ne pas y recourir si l’on veut faire une analyse  technique et portant sur les argumentations telles qu’elles se présentent. Chaque auditoire  n’admettra évidemment qu’un nombre déterminé d’objets relevant de chacun de ces types. Mais  des objets de chaque type se retrouvent dans les argumentations les plus diverses. Ils se retrouvent  d’ailleurs également comme types d’objets de désaccord, c’est-à-dire comme points sur lesquels  peut porter un litige. »

P 89 : « Outre la matière des accords, deux ordres de considérations nous retiendront dans ce  premier chapitre : il s’agit des conditions dans lesquelles se trouvent les prémisses, soit à raison  d’accords spéciaux qui régissent certains auditoires, soit à raison de l’état de la discussion. Le  premier ordre de considérations est plutôt statique, en ce sens qu’il étudie le caractère des accords  de certains auditoires constitués ; l’autre est plus dynamique, en ce sens qu’il s’attache aux accords  en tant que liés au progrès de la discussion. Mais ce qui nous intéressera dans ce dynamisme, étant  donné que nous étudions les prémisses, ce sera de montrer l’effort de l’orateur pour rechercher les manifestations explicites ou implicites d’une adhésion sur laquelle il puisse tabler. »

Les faits et les vérités

P 90-91 : « Nous ne tablons sur aucun critère qui nous permette, en toutes circonstances et  indépendamment de l’attitude des auditeurs, d’affirmer que quelque chose est un fait. Néanmoins  nous pouvons reconnaître qu’il existe certaines conditions qui favorisent cet accord, qui  permettent aisément de défendre le fait contre la méfiance ou la mauvaise volonté d’un adversaire  : ce sera le cas, notamment, lorsque l’on dispose d’un accord au sujet des conditions de  vérification ; cependant dès que nous devons faire effectivement intervenir cet accord nous sommes  en pleine argumentation. Le fait comme prémisse est un fait non-controversé. »

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Cf. « Jusqu’où tu sais compter ? » demande-t-on au petit de la maternelle. Cela va sans dire que quelque soit la réponse de l’enfant, en tout cas dans les premiers temps, l’adulte est gagnant.

L’ordre des nombres

La correspondance nombre quantité A. Analyse réceptive/reproductive

Ccompréhension

1. Distinction

2. Perception des relations :

Similitude (à tel ou tel égard )

Ordre (plus grand, plus sombre, moins nombreux, etc.)

3. Perception d’une forme (exemples la symétrie)

4. Compréhension d’une proposition (aptitude à l’illustrer, à en donner des exemples, à la reformuler, à la ré-encoder. et à la  traduire)

5. Compréhension d’une pensée discursive, d’un raisonnement

B. Synthèse réceptive/reproductive, connaissance, réalisation et utilisation

1. – terminologie ; symboles ; graphiques

2. – propositions mathématiques

3. – problèmes de routine, algorithmes

4. – aptitudes manuelles

C. Analyse reproductive

Jugement (formation, défense ‘ou réfutation d’une opinion) sur les points suivants :

1. – une proposition a-t-elle un sens ?

2. – une proposition est-elle exacte ?

3. – un problème est-il bien posé ?

contient-il suffisamment de données ?

contient-il des données ou  des conditions soit superflues soit contradictoires

4. – un symbole est-il adéquat, une définition appropriée, une idée de solution prometteuse ?

5. – un raisonnement est-il correct ?

6. – une solution répond-elle aux conditions posées ?

7. – une solution est-elle raisonnable ? Répond-elle aux exigences pratiques ? Satisfait-elle à, certaines normes, etc ?

D.Synthèse reproductive

Construction

1. Formulation d’un problème

2. Enoncé d’hypothèses de conjectures fondées

3. Esquisse d’une solution

4. Découverte des outils nécessaires à la solution

5. Découverte de certains objets (objets concrets ou mathématiques) qui satisfont aux conditions requises

6. Découverte de tous les objets qui satisfont à ces conditions

7. Découverte, formulation d’une définition de concept

8. Développement d’une preuve

9. Généralisation, extension par analogie


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Dienes p 14 Qu’est-ce que l’on considère comme semblable ? La question est très  difficile. Il est bien évident que deux objets distincts ne peuvent pas  être le même objet. Aussi quand on dit que cette assiette est la même  que celle-là, on ne veut pas dire qu’il s’agit de la même assiette. Ce  qu’on veut dire, c’est que certaines propriétés des deux assiettes sont  les mêmes. Elles peuvent avoir la même couleur, la même forme,  le même poids, le même dessin, être de la même matière et, en  définitive, être semblables de bien des façons différentes. Mais ce sont,  tout de même, deux assiettes différentes. C’est peut-être une vérité  de La Palisse, mais qu’il faut bien comprendre, si on veut arriver à  dégager le sens du mot « même «, qu’un objet n’est, et ne peut être  identique qu’à lui-même ! Tout pareillement, un ensemble d’objets ne  peut être le même ensemble que s’il contient les mêmes objets, c’est-  à-dire les mêmes éléments : ceux-ci peuvent être arrangés dans un  ordre différent. Un ensemble d’objets demeure, en soi, le même si les  éléments, sans changer intrinsèquement, ont changé de place ou  d’ordre.

Ainsi, un ensemble d’objets, c’est-à-dire un ensemble d’éléments  quelconques d’un ensemble quelconque, peut-il seulement être  «  le même » que l’ensemble constitué par ces mêmes éléments. Il peut  ici se produire une légère confusion, du fait que lorsque nous dessinons  la représentation d’un ensemble, on ne voit pas toujours clairement quels sont exactement les objets que nous représentons effectivement.  Supposons, par exemple, que nous ayons dessiné un arbre et une  maison et que nous mettions ces deux dessins entre accolades, puis que  nous disions que cet ensemble est égal à un ensemble formé par un  arbre et une maison, mis entre accolades. Or, cela peut ne pas être vrai.  Ce sera vrai si l’arbre de la première image représente exactement le  même arbre que celui de la seconde image, si la maison de la première  image représente exactement la même maison que celle de la seconde  image (et non une maison semblable).


Les présomptions

P 94-95 : « Les présomptions sont liées dans chaque cas particulier au normal et au vraisemblable. Une présomption plus générale que toutes celles que nous avons mentionnées, c’est qu’il existe pour chaque catégorie de faits et notamment pour chaque catégorie de comportements, un aspect  considéré comme normal qui peut servir de base aux raisonnements. L’existence même de ce lien  entre les présomptions et le normal constitue une présomption générale admise par tous les  auditoires. On présume, jusqu’à preuve du contraire, que le normal est ce qui se produira, ou s’est  produit, ou plutôt que le normal est une base sur laquelle nous pouvons tabler dans nos  raisonnements (1). Cette base correspond-elle à une représentation définissable en termes de   distribution statistique des fréquences ? Non, sans doute. Et c’est l’une des raisons qui nous oblige  à parler de présomptions et non de probabilité calculée. Tout au plus peut-on dire que, grosso  modo, l’idée que nous nous faisons du normal, dans nos raisonnements -en dehors des cas où le  calcul des fréquences est effectivement pratiqué et où l’idée courante du normal est éliminée pour  faire place à celle de caractéristiques d’une distribution – oseille entre différents aspects. Nous servant du langage statistique pour décrire ces aspects, nous dirons que la notion de normal recouvre le plus souvent, en même temps et d’une façon diversement accentuée, suivant les cas, les idées de moyenne, de mode et aussi de partie plus ou moins étendue d’une distribution. »

P 96 « Si la présomption basée sur le normal ne peut que rarement être ramenée à une évaluation des fréquences, et à l’utilisation de caractéristiques déterminées de distribution statistique, il n’en est  pas moins utile d’éclairer la notion usuelle du normal en montrant qu’il dépend toujours du groupe  de référence, c’est-à-dire de la catégorie totale en considération de laquelle il s’établit. Il faut noter  que ce groupe – qui est souvent un groupe social -n’est presque jamais explicitement désigné. Peut-être les interlocuteurs y songent-ils rarement ; il est clair néanmoins que toutes les présomptions basées sur le normal impliquent un accord au sujet de ce groupe de référence. »

Hiérarchie des valeurs

Les lieux :

Lieux communs,

  1. Lieu de la quantité
    P 115 : « Nous entendons par lieux de la quantité les lieux communs qui affirment que quelquechose vaut mieux qu’autre chose pour des raisons quantitatives. Le plus souvent d’ailleurs, le lieu de la quantité constitue une majeure sous-entendue, mais sans laquelle la conclusion ne serait pas fondée. Aristote signale quelques-uns (le ces lieux : un plus grand nombre de biens est préférable à un moins grand nombre (1), »
  2. Lieux de la qualité
    P 121 « Le plus difficile, dira Aristote, est préférable à ce qui l’est moins car nous apprécions mieux la possession des choses qui ne sont pas faciles à acquérir (5). »
  3. Les lieux de l’ordre

Accords particuliers

comme point de départ : P 125 « Les lieux de l’ordre affirment la supériorité de l’antérieur sur le postérieur, tantôt de la cause, des  principes, tantôt de la fin ou du but.  » P 128 : « Ce lieu confère aussi de la valeur à ce qui est fait avec soin, à ce qui demande un effort.  »

P 132-133 : « Ce que l’on appelle habituellement le sens commun consiste en une série de croyances admises au sein d’une société déterminée et que ses membres présument être partagées par tout être raisonnable. Mais à côté de ces croyances, il existe des accords, propres aux tenants d’une discipline particulière, qu’elle soit de nature scientifique ou technique, juridique ou théologique. Ces accords constituent le corps d’une science ou d’une technique, ils peuvent résulter de certaines conventions ou de l’adhésion à certains textes, et caractérisent certains auditoires. »

P 133 : « Ces auditoires se distinguent généralement par l’usage d’un langage technique qui leur est propre. C’est dans les disciplines formalisées, que ce langage se différencie ail maximum de celui (lue, par ailleurs, les membres de pareil auditoire utilisent dans leur relations journalières et qu’ils comprennent en tant que membres d’un auditoire plus général ; mais même des disciplines, telles que le droit, qui empruntent beaucoup de leurs termes techniques au langage courant, ont pu paraître hermétiques aux non-initiés. Car ces termes, que l’on désire rendre aussi univoques que possible dans le contexte de la discipline, finissent par résumer un ensemble de connaissances, de règles et de conventions, l’ignorance desquelles fait que leur compréhension, en tant que termes devenus techniques, échappe entièrement aux profanes. »

P 133-134 : « Pour entrer dans un groupe spécialisé, une initiation est nécessaire. Alors que  l’orateur doit normalement s’adapter à son auditoire, il n’en va pas ainsi du maître chargé  d’enseigner à ses élèves ce qui est admis dans le groupe particulier auquel ceux-ci désirent  s’agréger ou, du moins, auquel désirent les agréger les personnes responsables de leur éducation. La persuasion est, dans ce cas, préalable à l’initiation. Elle doit obtenir la soumission aux exigences  du groupe spécialisé dont le maître apparaît comme le porte-parole. L’initiation à une discipline  particulière consiste à faire part des règles et des techniques, des notions spécifiques, de tout ce qui  y est admis, et de la manière de critiquer ses résultats en fonction des exigences de la discipline elle-même. Par ces particularités, l’initiation se distingue de la vulgarisation qui s’adresse au publie, en général, pour lui faire part de certains résultats intéressants, dans un langage non technique, et sans le mettre à même ni de se servir des méthodes qui ont permis d’établir ces résultats ni, a fortiori, d’entreprendre la critique de ces derniers. Ces résultats sont, en quelque sorte, présentés comme indépendants de la science qui les a élaborés : ils ont acquis le statut de vérités, de faits. La différence entre la science qui s’édifie, celle des savants, et la science admise, qui devient celle de l’auditoire universel, est caractéristique de la différence entre initiation et vulgarisation (1). »

P 134 : « À la question de savoir si une argumentation se poursuit à l’usage d’un auditoire lié par  des accords particuliers ou à l’usage d’un auditoire non spécialisé, il n’est pas toujours facile de  répondre. Certaines controverses, concernant les fraudes en archéologie, par exemple, feront  appel, à la fois, aux spécialistes et à l’opinion publique (2) ; il en sera de même souvent lors des  procès criminels où le débat se situe, à la fois, sur le plan juridique et sur le plan moral. »

Les cadres de l’argumentation
2.2.- Choix des éléments
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