P 550 : « Les trois premiers chapitres de ce livre ont été consacrés à l’étude des liaisons argumentatives qui rendent solidaires les uns des autres, des éléments que l’on pouvait considérer comme indépendants au départ. L’opposition à l’établissement d’une pareille solidarité se marquera par le refus de reconnaître l’existence d’une liaison. On montrera, notamment, qu’une liaison que l’on avait considérée comme admise, que l’on avait présumée ou souhaitée, n’existe pas, parce que rien ne permet de constater ou de justifier l’influence que certains phénomènes
envisagés auraient sur ceux qui sont en cause, et que, par conséquent, la prise en considération des premiers est irrelevante :
L’expérience, réelle ou mentale, la modification des conditions d’une situation, et, plus spécialement, en sciences, l’examen isolé de certaines variables, pourront servir à prouver le manque de liaison. On s’efforcera, aussi, de présenter tous les inconvénients de celle-ci. »
P 550-551 : « La technique de rupture de liaison consiste donc à affirmer que sont indûment associés des éléments qui devraient rester séparés et indépendants. Par contre, la dissociation présuppose l’unité primitive des éléments confondus au sein d’une même conception, désignés par une même notion. La dissociation des notions détermine un remaniement plus ou moins profond des données conceptuelles qui servent de fondement à l’argumentation : il ne s’agit plus, dans ce cas, de rompre les fils qui rattachent des éléments isolés, mais de modifier la structure même de
ceux-ci. »
P 551 : « Au premier abord la différence entre rupture de liaison et dissociation des notion est profonde et immédiatement discernable, mais en réalité, cette distinction, comme les autres oppositions dites de nature, peut être elle-même fort controversée. Selon que les liaisons entre éléments seront considérées comme « naturelles » ou comme « artificielles », comme « essentielles » ou » accidentelles », l’un verra une dissociation des notions en ce qui, pour un autre, n’est que rupture de liaison.
P 552 : « C’est donc, en fin de compte, la situation argumentative dans son ensemble, et surtout les notions sur lesquelles l’argumentation prend appui, les remaniements auxquels elle conduit, les techniques qui permettent de les opérer, qui nous indiqueront la présence d’une dissociation des notions et non d’un simple refus de liaison. »
Le couple « apparence-réalité »
P 556 : « Pour bien comprendre la technique de la dissociation des notions et pour mieux en apprécier les résultatsl il nous semble utile d’examiner de plus près un cas privilégié, celui que nous considérons comme le prototype de toute dissociation notionnelle, àcause de son usage généralisé et de son importance philosophique primordiale : il s’agit de la dissociation donnant lieu au couple «apparence-réalité ».
Il n’est pas douteux que la nécessité de distinguer l’apparence de la réalité est née de certaines difficultés, de certaines incompatibilités entre apparences ; celles-ci ne pouvaient plus, toutes, être considérées comme exprimant la réalité, si l’on part de l’hypothèse que tous les aspects du réel sont compatibles entre eux.
Cette première constatation fait immédiatement ressortir le caractère équivoque, la signification et la valeur indécises de l’apparence : il se peut que l’apparence soit conforme à l’objet, se confonde avec lui, mais il se peut aussi qu’elle nous induise en erreur à son sujet. Aussi longtemps que nous n’avons aucune raison d’en douter, l’apparence n’est que l’aspect sous lequel se présente l’objet, on entend, par apparence, la manifestation du réel. Ce n’est que quand les apparences, parce qu’incompatibles, ne peuvent être acceptées toutes à la fois, que s’opère, grâce à la distinction parmi les apparences de celles qui sont trompeuses et de celles qui ne le sont pas, une dissociation donnant lieu au couple « apparence-réalité », dont chaque terme renvoie à l’autre d’une manière
qu’il nous faut examiner de plus près. »
P 557 : « Pour la commodité de notre analyse, et nous permettre d’en généraliser la portée, nous dirons que dans le couple «apparence-réalité », «apparence » constitue le terme I et «réalité», le
terme II. Dorénavant, et pour bien montrer que ces termes sont corrélatifs, nous désignerons un
couple issu d’une dissociation de la manière suivante : $\dfrac{\text{apparence}}{\text{réalité}}$ ou en général,
$\dfrac{\text{terme I}}{\text{terme II}}$ Le terme I, correspond à l’apparent, à ce qui se présente en premier lieu, à l’actuel, à l’immédiat, àce qui est connu directement. Le terme II, dans la mesure où il s’en distingue, ne se comprend quepar rapport au terme I : il est le résultat d’une dissociation, opérée au sein du terme I, et visant à éliminer les incompatibilités qui peuvent apparaître entre des aspects de ce dernier. Le terme II fournit un critère, une norme permettant de distinguer ce qui est valable de ce qui ne l’est pas, parmi les aspects du terme I ; il n’est pas simplement un donné, mais une construction qui détermine, lors de la dissociation du terme I, une règle qui permet d’en hiérarchiser les multiples aspects, en qualifiant d’illusoires, d’erronés, d’apparents, dans le sens disqualifiant de ce mot, ceux qui ne sont pas conformes à cette règle que fournit le réel. Par rapport au terme I, le terme II sera, à la fois, normatif et explicatif. Lors de la dissociation, il permettra de valoriser ou de disqualifier tels aspects sous lesquels se présente le terme I : il permettra de distinguer, parmi les apparences,
ont le statut est équivoque, celles qui ne sont qu’apparence, de celles qui représentent le réel. »
P 557-558 : « Ce point nous paraît essentiel, à cause de son importance dans l’argumentation : alors que le statut primitif de ce qui s’offre comme objet de départ de la dissociation est indécis et indéterminé, la dissociation en termes I et II, valorisera les aspects conformes au terme II, et dévalorisera les aspects qui s’y opposent : le terme I, l’apparence, dans le sens étroit de ce mot, n’est qu’illusion et erreur. »
P 558 : « En fait, le terme II lie s’accompagne pas toujours d’un critère précis permettant de séparer les aspects du terme I : la norme qu’il fournit peut n’être que potentielle, et son principal effet sera de hiérarchiser les termes qui résulteront de la dissociation. Quand, pour résoudre les antinomies cosmologiques, Kant dissocie la réalité, en distinguant les phénomènes et les choses en soi, le terme II qu’il construit de cette façon n’est pas connu, mais il n’en reste pas moins que le monde phénoménal, conditionné par notre pouvoir de connaître, est dévalué par rapport à la
réalité des choses en soi. Le terme II bénéficie de son unicité, de sa cohérence, opposés à la multiplicité et à l’incompatibilité des aspects du terme I, dont certains seront disqualifiés, et appelés à disparaître en fin de compte.
C’est ainsi que, dans le terme II, réalité et valeur, sont étroitement liées ; cela se marque particulièrement dans toutes les constructions des métaphysiciens. Ce qui permet au philosophe américain Ducasse d’écrire :
Les adjectifs réel et irréel, quand ils sont utilisés dans l’énoncé d’une position métaphysique, ne désignent aucun caractère que certaines choses posséderaient, indépendamment de l’intérêt que les homines ont pour elles, mais sont au contraire des adjectifs d’appréciation humaine.
Les couples philosophiques et leur justification
P 562 : « Toute pensée systématisée s’efforce de mettre en rapport les uns avec les autres des éléments qui, dans une pensée non élaborée, constituent autant de couples isolés. Cette mise en rapport des couples est utile pour éviter des prises de position qui aboutissent àqualifier les mêmes phénomènes à l’aide de couples incompatibles. Elle est indispensable quand, au lieu de se contenter de reprendre des dissociations admises dans un milieu culturel, le penseur original crée de nouvelles dissociations ou se refuse à admettre certaines dissociations de ses prédécesseurs.
Suite à ce bouleversement et pour montrer les conséquences de celui-ci en ce qui concerne les autres couples, le philosophe établira un système qui aboutira essentiellement à la mise en rapport les uns avec les autres de couples philosophiques. »
P 564 : « Aux couples philosophiques, résultant d’une dissociation, on pourrait opposer, d’une part les couples antithétiques, où le deuxième terme est l’inverse du premier, tels haut-bas, bien-mal, juste-injuste, d’autre part des couples classificatoires qui, à première vue, sont dépourvus de toute intention argumentative, et semblent uniquement destinés à subdiviser un ensemble en parties distinctes (le passé en époques, une étendue en régions, un genre en espèces).
Il arrive certes bien souvent que ces couples se présentent comme des données, que l’on ne discute pas, comme des instruments permettant de structurer le discours d’une façon qui paraît objective. Mais, dans une pensée systématique, les couples sont mis en rapport les uns avec les autres et s’influencent mutuellement, des termes II de couples philosophiques seront normalement rapprochés, s’il y a moyen, de ce qui dans le couple antithétique a valeur positive, des termes I seront rapprochés de ce qui a valeur négative, d’où tendance à la transformation du couple antithétique en couple philosophique. D’autre part, dans l’élaboration des couples qui semblent classificatoires, les dissociations de nature philosophique jouent fréquemment un rôle essentiel. »
Cf antécédents, images et toute la ribambelle
couples formés au sein du même ensemble (en général $\mathbb{R}$).
P 561 : « Le couple $\dfrac{\text{apparence}}{\text{réalité}}$ a été choisi comme prototype de dissociation notionnelle. Si le processus peut être schématisé, le résultat n’en est pas, pour autant, purement formel ou verbal : la
dissociation exprime une vision du monde, établit des hiérarchies, dont elle s’efforce de fournir les critères. Cela ne va pas sans le concours d’autres secteurs de la pensée. Il arrive bien souvent qu’une discussion concernant le terme II doive s’appuyer sur un autre couple, do-nt les termes I et II ne soient pas, en l’occurrence, controversés. »
P 562 : « Le fait que nous soyons à même d’indiquer un grand nombre de couples, en assignant à chacun de leurs termes une place déterminée, sans devoir, pour y parvenir, les insérer dans une pensée systématisée – ce qui ne serait d’ailleurs pas possible pour tous les couples, car certains sont formés de façon diamétralement opposée et appartiennent à des pensées philosophiques de idée entendement individuel concret nécessité immutabilité tendances différentes – est révélateur de l’influence que les élaborations philosophiques ont exercée sur la pensée commune, en la lestant d’une série de couples, résidus d’une tradition culturelle dominante.
Toute pensée systématisée s’efforce de mettre en rapport les uns avec les autres des éléments qui, dans une pensée non élaborée, constituent autant de couples isolés. Cette mise en rapport des couples est utile pour éviter des prises de position qui aboutissent àqualifier les mêmes phénomènes à l’aide de couples incompatibles. Elle est indispensable quand, au lieu de se contenter de reprendre des dissociations admises dans un milieu culturel, le penseur original crée de nouvelles dissociations ou se refuse à admettre certaines dissociations de ses prédécesseurs.
Suite à ce bouleversement et pour montrer les conséquences de celui-ci en ce qui concerne les autres couples, le philosophe établira un système qui aboutira essentiellement à la mise en rapport les uns avec les autres de couples philosophiques. »
P 564 : « Aux couples philosophiques, résultant d’une dissociation, on pourrait opposer, d’une part les couples antithétiques, où le deuxième terme est l’inverse du premier, tels haut-bas, bien-mal, juste-injuste, d’autre part des couples classificatoires qui, à première vue, sont dépourvus de toute intention argumentative, et semblent uniquement destinés à subdiviser un ensemble en parties distinctes (le passé en époques, une étendue en régions, un genre en espèces).
Il arrive certes bien souvent que ces couples se présentent comme des données, que l’on ne discute pas, comme des instruments permettant de structurer le discours d’une façon qui paraît objective. Mais, dans une pensée systématique, les couples sont mis en rapport les uns avec les autres et s’influencent mutuellement, des termes II de couples philosophiques seront normalement rapprochés, s’il y a moyen, de ce qui dans le couple antithétique a valeur positive, des termes I seront rapprochés de ce qui a valeur négative, d’où tendance à la transformation du couple antithétique en couple philosophique. D’autre part, dans l’élaboration des couples qui semblent classificatoires, les dissociations de nature philosophique jouent fréquemment un rôle essentiel. »
Le rôle des couples philosophiques et leurs transformations
P 569 : « Si l’emploi de certaines dissociations semble ne pas apporter grand chose de neuf, puisque l’on fait état de notions très anciennement élaborées, il n’en introduit pas moins des remaniements de ces notions, par leur application à un domaine nouveau, par les critères nouveaux adoptés pour le terme II, par la mise en rapport avec de nouveaux couples. »
P 569-570 : « L’effort argumentatif consistera – tantôt à tirer parti de dissociations déjà admises par l’auditoire, tantôt à introduire des dissociations créées ad hoc, tantôt à présenter à un auditoire des dissociations admises par d’autres auditoires, tantôt à rappeler une dissociation que l’auditoire est censé avoir oubliée. Quant à l’opposition à une dissociation, elle portera sur les caractéristiques de ses termes I ou II, ou sur le principe même de la dissociation. Dans ce cas, on soutiendra qu’il fallait s’en tenir à une notion globale. Mais, il est très malaisé de renoncer à des termes, dont, rien qu’en s’y référant, fût-ce pour les combattre, on rappelle l’existence. La pensée contemporaine
s’efforce, dans beaucoup de domaines, à abolir des couples. C’est au prix d’un grand effort, car l’auditeur ne se sentira satisfait que s’il petit, dans sa pensée, donner une place aux notions anciennes. Souvent on s’appuiera, pour le rejet, sur un autre couple. Le plus aisé sera de prétendre que la dissociation était illusoire, en se fondant sur un couple $\dfrac{\text{verbal}}{\text{réel}}$ ; une autre technique consistera à montrer que le problème, que la dissociation était destinée à résoudre, était factice, en
se basant sur un couple $\dfrac{\text{factice}}{\text{authentique}}$ ; ou bien même que le problème se posera de nouveau exactement dans les mêmes conditions sans que l’accord provisoire sur la dissociation ait apporté aucun
bénéfice dans la cohérence de la pensée. »
P 576 : « Traiter quelque chose comme un moyen, c’est le dévaluer, c’est lui enlever sa valeur absolue, la valeur que l’on accorde à ce qui vaut en soi, à ce qui vaut comme une fin, ou comme un principe. Nous avons vu que c’est l’un des reproches que font les idéalistes à l’utilisation de l’argument pragmatique : en appréciant un fait en fonction de ses conséquences, on a l’air de le considérer comme un moyen en vue de ces conséquences, et par là même on le dévalue. »
P 578 : « Dans la mesure où ce qui est moyen est allégué comme fin, il sera qualifié de prétexte. »
P 579-580 : « Une fin reconnue n’est pas, pour autant, une fin absolue une nouvelle dissociation pourra la transformer en moyen en vue d’une fin ultérieure. Cette dernière permettra de discerner, dans la fin primitive, qui aura perdu sa valeur de terme II, ce qui constitue un bon ou un mauvais moyen, c’est-à-dire ce qui, en tant que terme I, conserve une certaine valeur. »
P 580 : « Rien ne s’oppose théoriquement à la répétition indéfinie de cette opération, à cette transformation de fins en moyens par la dissociation, et à la disqualification qui en résulte. Ce processus permet à un adversaire du rationalisme, comme Buber, de stigmatiser la vision du monde de celui pour lequel tout n’est que technique, que rapport de moyen à fin.
L’expression des dissociations
P 580-581 : « C’est ainsi qu’à partir de l’opposition $\dfrac{\text{apparence}}{\text{réalité}}$, n’importe quelle notion peut être dissociée par l’adjonction des adjectifs « apparent » ou « réel », ou des adverbes « apparemment » ou «réellement ». D’une façon générale, chaque fois qu’une dissociation se marque par un couple de substantifs, les adjectifs et les adverbes dérivés pourront indiquer de nouvelles dissociations. »
P 581 : « L’article défini (la solution), le démonstratif (ce monde, ille homo) peuvent indiquer qu’il s’agit de la solution, du monde, de l’homme véritables, qui seuls comptent. La majuscule, elle aussi, annoncera le terme II ($\mathbb{N},\mathbb{Q}…$)
P 581-582 : « Le terme II est généralement appelé « proprement dit ». Par contre, en accolant à un
substantif un préfixe comme pseudo, quasi, non, on annonce la présence d’un terme I :
P 584 : « L’apparent, c’est le visible, qui se trouve à la surface, qui est superficiel, et par là n’est qu’un petit
fragment de la réalité, qui veut se faire passer pour le tout »
Cf Fonction et courbe représentative
Énoncés incitant à la dissociation
P 588 : « Plusieurs de ces expressions constituent ce que nous avons appelé des figures quasi logiques : tautologie apparente, négation d’un terme par lui-même, identité des contradictoires (3). Dans des expressions telles « les affaires sont les affaires », « un son n’est pas un sou », le même terme ne peut être pris deux fois dans le même sens. Le moyen de résoudre la difficulté sera de dissocier en termes I et II. »
P 589 : « L’exigence de dissociation pourra résulter d’une opposition entre un mot et ce que l’on considère, communément, comme son synonyme. […]
Les expressions paradoxales invitent toujours à un effort de dissociation. Chaque fois qu’est accolé à un substantif un adjectif, ou un verbe, qui semble incompatible avec lui (docte ignorance, mal bienheureux, joie amère, penser l’impensable, exprimer l’inexprimable, les conditions de la capitulation inconditionnelle), seule une dissociation permettra la compréhension.
P 590 : « Quant au rapport de détermination entre termes identiques, non seulement il invitera à une dissociation, mais suggérera que celle-ci approfondit une première dissociation, témoin l’expression « l’âme de l’âme » dont use Jankélévitch, laquelle se superpose à une dissociation où âme était terme II.
Des tournures comme celles que nous venons de décrire forment ce que l’on a appelé paradoxisme, antithèse formulée à l’aide d’une alliance de mots qui semblent s’exclure mutuellement, ou la figure que Vico appelle oxymoron « nier d’une chose qu’elle soit ce qu’elle est ». On les retrouve aussi très souvent dans la polyptote, usage du même mot sous plusieurs formes grammaticales, dans l’antimétathèse ou antimétabole, reprise dans deux phrases successives des mêmes mots dans un rapport inversé, parfois confondue avec la commutation.
Les définitions dissociatives
P 590 : « La définition est un instrument de l’argumentation quasi logique. Elle est aussi un instrument de la dissociation notionnelle, notamment chaque fois qu’elle prétend fournir le sens véritable, le sens réel de la notion, opposé à son usage habituel ou apparent.
Cf définition du $\cos$ au collège puis au lycée
P 594 : « Parfois la dissociation opposera un sens technique à un sens plus usuel. L’adoption d’un sens technique, réservé à un domaine déterminé, pourrait n’avoir guère d’influence sur le concept ancien et passer pour simple convention de langage. Mais il est rare qu’une discussion se déroule tout entière à l’intérieur d’une science constituée. Et lors de la confrontation entre notion technique et notion usuelle, l’une d’elles – celle qui compte pour l’auditoire auquel on s’adresse – pourra jouer par rapport à l’autre le rôle de terme Il. Ce sera le terme technique qui généralement jouira de ce privilège.
P 595 : « Il arrive que l’on fasse appel, pour justifier la définition, à l’étymologie, savante ou populaire : on proposera ainsi un usage de la notion que l’on prétend être primitif, authentique, c’està-dire réel, et que l’on dégage des falsifications ultérieures. »
La rhétorique comme procédé
P 597 : « Les dissociations ne portent pas seulement sur les notions utilisées dans l’argumentation, mais aussi sur le discours lui-même, car l’auditeur pratique à son sujet, soit spontanément, soit parce qu’il y est invité, des dissociations qui sont d’une importance capitale. »
P 597-598 : « Un procédé est une manière d’opérer pour obtenir un certain résultat, tel le procédé de fabrication, moyen technique pour confectionner un produit. Ce qui se présente d’emblée comme moyen, comme procédé, est apprécié selon son efficacité, et à sa juste valeur. Mais il arrive très souvent que le terme « procédé » soit disqualifiant, qu’il désigne le terme 1 d’un couple philosophique et soit synonyme de fausse apparence. On entend dénoncer de cette façon ce qui se prétend conséquence naturelle d’un état de choses et ne serait en réalité que feinte, artifice, moyen imaginé en vue d’une fin, telles les larmes insincères, ou les compliments excessifs, procédés pour apitoyer ou pour flatter. »