Philosophie du langage |
p 11 Les pensées sont donc des combinaisons de concepts, de même que les phrases sont des combinaisons de mots. […] Si une pens&e n’était que la somme de ses constituants, la pensée que Marie aime Pierre serait la même que pensée que Pierre aime Marie. […] L’identité des constituants compte, mais leur position dans la structure compte aussi. NdT : on observera la commutativité dans le produit ou dans la différence « Sémantique » rencoie non à la forme (la structure), mais au sens, au contenu.
p 32 Beaucoup d’auteurs emploient « référence » exclusivement pour la relation spécifique en vertu de laquelle certaines expressions servent à identifier ce dont on parle.
p 37 Carnap, tout comme Frege d’ailleurs, dirait que […] la propriété d’avoir trois angles et celle d’avoir trois côtés[…] ne sont pas objectivement distinctes […] les deux expressions […] ont la même intension. NdT (attention à l’orthographe intenSion.
p 43 Selon Frege, dans un énoncé comme « Cet home est Bush », le verbe « être » n’a pas la m^me fonction logique que le verbe « être » dans « cet homme est (un) Américain ». NdT : affectation et égalité
p 51 Quelle est l’extension de la description« le président des USA » ? [ …] Le président aurait pu être un Démocrate … NdT Le triangle aurait pu être rectangle … ; L’opérateur modal « aurait pu » introduit une situation hypothétique
p 53 Dans la mesure où les vérités mathématiques sont nécessaires et non contingentes, une description comme « la racine cubique de 27 » a toujours la même extension (à savoir 3), quelle que soit la situation considérée. Cette description est donc rigide de facto . Mais les noms propres sont rigides en un sens plus fort — ils sont rigides de jure : leur rigidité est une conséquence de leur caractéristique directement référentielle, qui fait que leur extension est fixée, comme dit Kaplan, « avant la rencontre avec la situation d’évaluation » et ne peut donc pas varier en fonction de celle-ci.
p 57 L’extensio nde « je » est fixée dès le niveau di contenu et donc elle ne varie pas en fonction de la situation d’évaluation, quand bien même le contenu de « je », lui, varie en fonction du contexte d’énonciation.
p 79 « Quelqu’un est venu venu » ou » Personne n’est venu », c’est le terme quantifiant ( « quelqu’un », « personne ») qui remplit véritablement le rôle prédicatif : « est venu », quant à lui, ce trouve déchu de ce rôle. […] nier « Quelqu’un est venu venu » ( par exemple dire : « Il n’est pas vrai que quelqu’un est venur ») ne revient pas du tout à affirmer que « quelqu’un n’est pas venu » ; cela revient à affirmer que personne n’est venu. La négation se porte ici non pas sur le prédicable « est venu », mais plutôt sue « quelqu’un », que la négation transforme en « personne »
p 85 Au début du premier chapitre (§ 1), j’ai fait comme s’il y avait seulement deux options pour la sémantique : une sémantique référentielle, qui associe aux mots des choses (leur dénotation), et une sémantique cognitive, qui associe aux mots des représentations mentales. […] Il y a une troisième option : on peut associer le mot et l’emploi qui en est fait — sa fonction.
p 94 En disant une certaine chose dans un certain contexte, en effet, le locuteur arrive souvent à communiquer — implicitement ou explicitement — tout autre chose.
p 95 La phrase « Je suis français », en tant qu’entité grammaticale (phrase type), n’a pas de condition de vérité déterminée puisque, en l’absence d’une énonciation effective, le mot « je » ne désigne personne. Le contenu représentationnel de cette phrase ne peit être fixé que relativement à un contexte d’énonciation. […] Hors contexte, la phrase représente seulement le fait que x est français, la lettre schématique x servant à marquer la place qui devra être occupée par l’énonciateur de la phrase.
p 96 À strictement parler, c’est donc l’occurence de la phrase, et non la phrase type, qui possède un contenu.
p 97 La syntaxe s’occupe des phrases, la pragmatique s’occupe des actes de parole, et la sémantique met en rapport de façon systématique phrase et acte de parole en associant à chaque phrase un potentiel d’acte de parole.
p 101 La compétence sémantique des utilisateurs du langage leur permet de déterminer, mécaniquement pour ainsi dire, le sens de toute phrase bien formée du langage.
p 103 Interpréter une action, lui donner un sens, c’est expliquer le comportement de l’agent en lui prêtant certains états mentaux, au premier rang desquels des intentions qui explique son comportement, compte tenu de ses croyances et ses désirs. […] la rationalité de l’agent est d’ailleurs une présupposition de la notion même d’action.
p 104 L’interprétation d’une phrase donnée […] [n’est susceptible d’]aucune révision tant que les règles sémantiques n’ont pas été révisées. En d’autres termes, l’interprétation sémantique est « monotone ».
p 105 Selon la psychologie contemporaine, l’interprétation des actions est rendue possible par une faculté spécifique, un module cognitif qui est propre à l’homme et se développe entre la première et la quatrième année de la vie.
p 107 Dans ces circonstance, il comprend aisément que j’essaie de lui communiquer quelque chose, mais le problème pour lui est d’arriver à comprendre ce que j’essaie de lui communiquer et que le dessin est censé lui révéler.
p 124 Dire « Il pleut » c’est dire qu’il pleut là où on se trouve (ou dans tel autre lieu contextuellement saillant). Il est donc fait référence à un lieu, mais la référence au lieu en question reste implicite et n’est pas véhiculée par un constituant dans la phrase (contrairement à ce qui se passe si l’on dit : « Il pleut içi » […] Si c’est vrai, alors il y a plus dans le sens du tout que l’on peut dériver du sens des parties, et ce « plus » vient du contexte.
p 125 Ainsi, La représentation mentale associée à « Il pleut » inclut-elle la représentation (mentale, mais linguistiquement non exprimée) d’un lieu. […] Dire que l’on pense av »ec des mots du langage public, ce n’est pas nécessairement dire que l’on pense avec les mots que l’on énonce. On peut avoir d’autres mots « en tête » que ceux que l’on énonce.
p 134 Les linguistes parlent de « factivité » lorsqu’une phrase complexe incluant une proposition […] implique la proposition en question. […] Si quelqu’un me dit « Pierre sait très bien que le facteur ne passera pas aujourd’hui », je puis inférer […] que le facteur ne passera pas aujourd’hui. En revanche, « dire » ,’est pas factif. Si l’on m’annonce « Pierre dit que le facteur …» […] le locuteur présuppose la vérité de la proposition enchâssée
p 135 Il y a donc deux sortes de « vouloir dire » : le vouloir dire naturel — par exemple, ce que les nuages veulent dire, ou ce que cette fumée veut dire — […] p 136 En revanche, le « vouloir dire non naturel » […] « Paul veut dire qu’il va pleuvoir » attribue à Paul une certaine intention communicative
p 136 La relation de signification naturelle ou d’indication est fondée sur la covariance […] la présence A ou l’occurrence de A implique celle de B.
p 138 La girouette « indique » la direction du vent même s’il n’y a personne pour voir et utiliser cette indication. […] La notion de signe […] fait intervenir […] l’interprétant pour qui le signe est signe. La définition traditionnelle du signe est ainsi : quelque chose qui représente quelque chose
p 139 Un utilisateur peut faire un usage erroné du signe — il peut interpréter de travers la trace et y voir autre chose que ce qu’elle est — mais cela n’affecte en rien la signification objective de la trace.
p 140 Mais le signe indique toutes sortes de choses : la trace dans la neige indique non seulement qu’un castor est passé par là, mais aussi qu’il n’a pas neigé depuis le passage di castor, que celui-ci avait un certain poids, […] En ce point on rencontre la transition majeure qui nous permet de quitter le domaine étroit de la signification naturelle. À partir du moment où A reçoit une certaine fonction, il peut dysfonctionner. Soit un thermomètre : la hauteur de la colonne de mercure indique la température […] p 141 Mais il y a des thermomètres qui sont défectueux […] Pour l’utilisateur, le thermomètre défectueux est censé indiquer la température, et c’est pourquoi on le juge défectueux lorsqu’i lne le fait pas.
p 144 Les représentations que notre analyse présuppose sont les représentations mentales des interprètes. Dans le cas du fabricant de thermomètre, il a l’intention que l’objet qu’il fabrique indique la température ; ceux qui achètent le thermomètre ou plus généralement ceux qui l’utilisent s’attendent à ce qu’il indique la température.
p 153 Selon Frege, ce à quoi une expression linguistique fait référence, ce qu’elle dénote, dépend du sens de cette expression. Le sens détermine la référence. […] par exemple le 42e président des États-Unis d’Amériques. […] L’article défini indique qu’un individu unique est censé satisfaire la condition
p 155 Certaines descriptions définies ne possèdent pas un sens suffisamment déterminé pour déterminer la référence de la description. Ce sont les descriptions dites « incomplètes » comme « la table » ou « le président » […] Selon Frege, le sens de la description (le concept exprimé) est déterminé dans ce type de cas non seulement par l’expression linguistique mais aussi par le contexte.
p 156 Le contexte permet de « compléter » la description de sorte que le concept exprimé en xontexte soit suffisamment déterminé pour déterminer à son tour la référence. En contexte, donc, la description « la table » exprime le même concept descriptif que l’on pourrait encoder explicitement en disant, par exemple « la table de notre salle à manger ».
p 164 On soulignera au contraire que les représentations (linguistiques et mentales) font partie de la réalité : […] Ainsi je vois cette table devant moi : ma perception se rapporte à cette table, grâce à une relation effective qui s’établit, dans la perception, entre la table qui m’affecte visuellement et la représentation de cette table qui résulte du traitement par mon cerveau des stimuli visuels qu’elles engendre. Ce qui détermine la référence, ce n’est pas la façon dont le référent est représenté ; c’est plutôt la nature des relations entre la représentation et ce qu’elle représente. NdT exemple la photo
p 166 Il y a des choses que je ne connais que de façon théorique, « par description ». Ainsi je sais qu’il y avait un parapsychologue dans l’équipe de Karpov …
p 167 Ce qui me permet de penser aux objets dont j’ai connaissance directe, en revanche, ce n’est pas le fait que je dispose d’une description de ces objets, si détaillée soit-elle, mais le fait que j’entretiens des relations avec eux.
p 168 force est de reconnaître que souvent nous pensons à des choses ou à des personnes que nous sommes incapables de décrire, ou au moins de décrire de façon « singularisante », mais dont nous n’avons cependant aucune expérience sensible de quelque ordre que ce soit.
p 170 Pour comprendre l’énoncé « Je serai ici demain », il ne suffit pas de comprendre le contenu descriptif véhiculé — à savoir le fait que la personne qui énonce cette phrase se trouvera au lieu de l’énonciation le lendemain de l’énonciation. Il faut identifier la personne qui énonce la phrase, ainsi que le lieu et le moment de l’énonciation en question.
p 172 Lorsque je parle d’Aristote, je fais référence à Aristote non pas du fait de la façon dont je me représente Aristote (car ma représentation pourrait être erronée ou trop vague) mais du fait que mon emploi du nom est historiquement associé, à travers une chaîne causale, à l’individu Aristote.
p 179 la signification de « je » renvoie à la relation entre une occurrence de « je » et la personne qui prononce cette occurrence , la signification de « ici » à la relation entre une occurrence de ce mot et le lieu où est prononcée cette occurrence, etc.
p 191 À cause de son daltonisme, le chien ne peut pas voir que Kaplan porte une chemise rouge, et il n’a pas d’autre moyen de se représenter ce fait ; mais le collègue daltonien de Kaplan, grâce au langage, peut se représenter ce fait et même le fait qu’Aristote portait une chemise rouge.
p 193 Si donc un sujet — appelons-le Marcel — croit que Paul est oculiste tout en douant qu’il soit ophtalmologiste, c’est que pour lui « Paul est oculiste » et « Paul est ophtalmologiste » expriment des pensées différentes. Dans la mesure où ces phrases expriment expriment pour lui des pensées distinctes, Marcel ne se contredit pas s’il affirme que Pauk est oculiste tout en refusant d’admettre qu’il soit ophtalmologiste.
p 195 Imaginons que, par la fenêtre de gauche, je voie l’arrière d’une voiture bleue et que par la fenêtre de droite je vois l’avant d’une voiture rouge. J’infère naturellement qu’i ly a deux voitures, et je peux faire référence à chacune d’elles au moyen du démonstratif complexe « cette voiture » […] S’il apparaît qu’il s’agit d’une seule et même voiture bicolore, mas croyance ne peut pas être vraie, mais elle n’est pas contradictoire puisque je me représente la voiture sous deux modes de présentation différents.
p 200 Selon Frege, comme on vient de le voir, deux pensées sont distinctes s’i lest rationnellement possible d’accepter l’une et de rejeter l’autre (au même moment).
p 202 Dans la conception que je défends, […] les concepts ou tout au moins ceux qui renvoient à un aspect du monde, sont comme des « entrées » dans l’encyclopédie mentale du sujet : ce sont des structures de données servant à emmagasiner les informations obtenues en vertu d’une certaine relation au référent
p 205 Il faut distinguer trois choses : le type, l’instance et l’occurrence.
Un type de concept est une classe (de concepts) définie par une certaine fonction. […] Ainsi i ly a le type « ici » qui exploite la relation spéciale entre le sujet et le lieu où il se trouve.
p 206 Une « instance » du type fait référence, en vertu du fait que le sujet qui possède ce concept se trouve dans la relation appropriée à un lieu spécifique acquière de ce fait le statut de référent. […] Une instance de type est donc une structure de données particulière, liée à un contexte particulier. […] Chaque instance est susceptible d’une pluralité d’occurrences, une occurence étanat l’événement metal consistant dans le fait qu’un concept (instance) est activé, donnant ainsi accès aux information stockées sous ce concept.
p 207 On peut se représenter un concept non descriptif comme un dossier mental. Lorsque j’acquiers d’autres informations sur un objet particulier, j’ouvre un dossier le concernant ; si par la suite j’acquiers d’autres informations concernant l’objet en question, je les joins au dossier. L’intérêt de la notion de dossier est qu’on peut dissocier le dossier lui-même et l’information qu’il contient.
p 222 un objet est familier si et seulement si des rencontres répétées avec cet objet ont été créées chez lz sujet une disposition à le reconnaître. Il faut noter toutefois que beaucoup d’objets familiers sont des objets au sujet desquels nous possédons des informations acquises par la communication.